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Crise du logement : de quoi parle-t-on ?

Publié le 11 avril 2024

Dans le cadre de son activité de veille et d’accompagnement des Epl, la Fédération des élus des Entreprises publiques locales publie une série d’articles destinée à mieux comprendre la conjoncture économique dans l’aménagement, la construction et le logement ainsi que ses implications. La baisse brutale de la production de logement en 2023 et 2024 fait réapparaître le spectre de la « crise du logement » largement relayée dans l’espace médiatique et dans le débat public. Mais que faut-il entendre à travers ces discours ?

Pixabay

Le logement, loi du marché ou régulation

Le logement est un bien économique à part entière. Il fait l’objet de transactions dans lesquelles l’offre et la demande ont un fort impact et déterminent en grande partie le niveau des prix.

Les logements peuvent s’acheter, ou se louer ; on peut en disposer en usufruit, en viager ; il existe des baux dits emphytéotiques. Bref, toute une panoplie de contrats et d’actifs sont en circulation.

C’est aussi un des marchés les plus régulés, uniformément sur la planète. À l’achat, le législateur impose des examens stricts au vendeur (détermination de la surface, audit énergétique présence de plomb, d’amiante, de parasites, des zones inondables, etc.). À la location, le bail est strictement encadré avec des procédures parfois complexes.

Comment concilier ces deux constats, prévalence de force du marché et l’importance des régulations ?

Pour que les législateurs interviennent autant, c’est qu’outre les forces de marché classiques, les asymétries d’informations affectant le fonctionnement du marché du logement sont nombreuses. Elles entraînent des problèmes d’aléa moral et d’évolution du risque. Il y a lieu de s’interroger sur des législations, qui sont parfois légitimes, parfois contre-productives,

Un propriétaire qui cherche un locataire est un peu comme un employeur qui tente de recruter un salarié. La différence, bien sûr, est que le salarié fournit un service en échange d’un salaire, alors que le propriétaire fournit un service (la jouissance d’un bien immobilier) en échange d’un revenu.

L’employeur comme le propriétaire dispose d’un capital (immobilier ou équipement productif), en partie immobilisé, dont il tire une rente sous réserve de l’utiliser à pleine capacité.

Dans les deux cas, existent pour les salariés ou les locataires des coûts de mobilité (professionnelle ou géographique) qui pourraient permettre aux employeurs ou aux propriétaires d’accaparer une part indue de ce service. Il s’agit du mécanisme bien connu de « hold-up » selon lequel une partie investit de façon irréversible et l’autre capture une partie du retour sur investissement. C’est pour prévenir de tels comportements opportunistes que le législateur a édifié une armature juridique complexe visant à réguler les différents aspects de la relation.

C’est ainsi que les loyers, comme les salaires, ne peuvent varier que dans des limites très encadrées, et que la séparation initiée par le propriétaire ou par l’employeur est soumise à des procédures longues et coûteuses.

Enfin, le marché du logement, tout comme celui du travail, est affecté par des asymétries d’information fondamentales. L’une d’entre elles, qui amène à des effets d’aléa moral, porte sur la bonne foi des différents acteurs : les efforts pour payer son loyer, comme ceux consistant à effectuer correctement son travail, sont parfois difficiles à vérifier.

De même, la « qualité » des individus, en particulier la propension à payer son loyer pour un locataire, ou le degré exact des compétences pour un salarié, sont des éléments difficilement observables. Il s’agit là d’éléments conduisant à des problèmes de sélection.

En d’autres termes, le marché du logement locatif ne peut pas être considéré comme « compétitif », au sens où le libre jeu du marché n’est pas un gage d’efficacité.

Les régulations sont nécessaires. Toutefois, mal conçues, elles peuvent être contre-productives, voire se retourner contre ceux qu’elle est censée protéger.

A l’occasion des articles suivants, on pourra observer que la demande dépend majoritairement de données démographiques et besoins en renouvellement du parc alors que l’offre est liée à des critères économiques et géographiques basés structurellement sur les coûts et capacités d’investissement des acteurs;

 

Par Philippe CLEMANDOT
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