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Les villes moyennes ont besoin de produire du logement

Publié le 29 mars 2024

Les villes moyennes redeviennent « tendance » et surtout « en tension », explique Gil Avérous, maire de Châteauroux, président de Châteauroux Métropole et président de l’association Villes de France. Façon de dire qu’il y a un marché et que les opérateurs ont tout intérêt à venir investir sur ces territoires. Les élus appellent aussi de leurs vœux une décentralisation accrue des compétences, estimant qu’il n’existe pas de solution unique pour répondre à l’urgence mais des réponses locales. Parmi les propositions de Ville de France figure notamment la réaffectation des recettes des DMTO aux agglomérations en charge des politiques du logement ou encore la création de zones d’accélération de la production de logement, sur le modèle de ce qui se fait pour les énergies renouvelables ou dans le cadre, très récent, du programme « Territoires engagés pour le logement ».

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Gil Avérous, vous venez de participer au forum des élus organisé en marge du Mipim. C’était important pour vous d’être là et de porter la parole des élus et, en particulier, des villes moyennes ? Quels sont les messages que vous avez fait passer ? 

Oui, c’était important d’être là aujourd’hui pour porter la parole des villes moyennes. Ces villes redeviennent tendance, notamment vis-à-vis de la population des grands ensembles – c’est vrai de l’Île-de-France mais aussi de toutes les métropoles –  et en particulier des jeunes couples, qui, quand ils ont leur premier enfant, se posent la question de leur projet de vie. Certains veulent revenir sur leur terre d’origine, qu’ils ont quittée pour aller faire des études. Notre difficulté est alors d’avoir une offre de logement qui corresponde qualitativement à leur attente. Mon propos, et la raison de ma présence au Mipim, a donc été de dire aux opérateurs : vous rencontrez des difficultés dans les zones tendues des grandes métropoles, où le foncier est cher et où vous faîtes face à une accumulation de recours et vous peinez à boucler vos opérations et à dégager une rentabilité. Or, dans les villes moyennes, il y a peut-être une rentabilité à trouver parce que nous avons un foncier qui est beaucoup moins cher. Certes, nous avons moins de demande, moins de pression et vous allez vendre moins cher, mais il y a quand même un niveau de loyer qui est intéressant en termes de rentabilité par rapport aux coûts de construction.

Par ailleurs, si la demande de logement a longtemps été moindre dans les villes moyennes, c’est beaucoup moins vrai aujourd’hui. On redevient en tension et ce, pour deux raisons principales. La première, c’est que, pour beaucoup d’entre nous, nous étions des villes industrielles. Nous avons donc des ensembles immobiliers qui ont été construits à l’après-guerre et qui, dans le cadre du renouvellement urbain, sont détruits ou ne sont reconstruits que très partiellement. En gros, on ne reconstruit que 40% des logements que l’on démolit, ce qui fait qu’on a remis en tension le secteur du logement social. La deuxième raison, c’est que, dans le parc privé, on a des sorties fortes de l’offre de logements, en raison du développement de la location courte durée dans nos villes-centres. Si je prends l’exemple de Châteauroux, j’avais 200 Airbnb il y a deux ans et cette année, j’en ai 700. Donc on a besoin de logement, y compris dans les villes moyennes.

Comment convaincre les opérateurs d’investir sur vos territoires ? 

Les opérateurs nous font part de leur crainte de ne pas vendre, mais sur ce sujet-là, nous avons aussi des propositions. Nous pourrions par exemple prévoir un mécanisme grâce auquel nous pourrions garantir et sécuriser des opérations, peut-être en faisant appel à Action Logement. Je n’ai pas encore évoqué le sujet avec eux, mais l’idée serait de dire qu’on laisse la commercialisation suivre son cours et qu’à la fin, s’il reste encore cinq ou six logements à vendre, Action Logement pourrait se porter acquéreur. Ça  permettrait à l’opérateur de lancer l’opération sans risque.

Nous avons également fait d’autres propositions dans le cadre du forum. Nous pensons qu’il faut arrêter de réfléchir en termes de délai d’instruction pour réfléchir davantage en termes de date de livraison, comme on vient de le faire pour sur beaucoup d’opérations dans le cadre des Jeux Olympiques. J’ai la chance d’être une ville qui accueille des opérations olympiques. Nos bâtiments – nous allons livrer des appart’ hôtels – seront livrés avant les JOP et nous l’avons fait dans un délai un an et demi plus court que ce que nous aurions fait en temps normal, parce que nous nous sommes fixé une date de livraison. Par ailleurs, plus vous faîtes court, moins c’est cher. Les opérateurs le disent : ce qui coûte cher pour eux c’est le portage, en particulier avec l’inflation que l’on connaît aujourd’hui. Donc, on pourrait faire des opérations rentables en les sécurisant. C’est vraiment le message que que je voulais porter au Mipim. Je crois que l’avenir des opérateurs, c’est d’investir dans les villes moyennes.

Sur quels leviers peut-on agir pour relancer la machine ? 

Je crois qu’il faut faire confiance au local, donc aux élus locaux. Nos villes moyennes sont souvent au cœur d’une agglomération et nos maires de villes-centres sont très souvent les présidents des agglomérations. L’agglomération, dans notre cas, c’est une taille d’intercommunalité suffisamment structurée pour gérer une délégation. Nous sommes favorables à la dynamique de décentralisation qui s’annonce, à condition qu’on ait les moyens humains et financiers.

Aujourd’hui, l’État finance sa politique du logement par de la défiscalisation sur les impôts nationaux, impôts sur lesquels nous n’avons pas la main. Il faut donc qu’on se mette d’accord avec le gouvernement sur qui fait quoi et comment. Si une agglomération prend la compétence logement, comment va-t-elle la financer ? Pour être très concret, nous pensons que les DMTO sur les transactions immobilières (Droits de mutation à titre onéreux) devraient naturellement financer une politique du logement. Donc à partir du moment où une agglomération exerce la compétence logement, elle devrait percevoir les DMTO, sachant qu’il faudra dans le même temps trouver une compensation pour les départements. Les élus décideraient de son taux – peut-être faut-il mettre des plafonds ? – en fonction de la politique qu’ils veulent développer.

Autre proposition : sur les énergies renouvelables nous avons défini des zones d’accélération des EnR, il faudrait faire la même chose avec le logement. À l’instar des Territoires engagés pour le logement, nous pourrions contractualiser avec l’Etat en définissant un volume de logement à produire sur une période donnée. Après, aux élus de définir, à l’intérieur de leurs agglomérations, les zones d’accélération des opérations de logements, en étudiant les potentiels à l’îlot, voire à la parcelle, et en s’engageant sur des délais de réalisation. Là encore, il ne peut pas y avoir une politique nationale unique. Les problèmes de l’Île-de-France ne sont pas ceux des zones rurales qui ne sont pas ceux des zones littorales, qui, elles-mêmes, n’ont pas toutes les mêmes problématiques, il y en avait parmi nous ce matin en zone rouge et d’autres en zone bleue… Aucune réponse ne peut être unique, il faut l’adapter localement.

Votre proposition de transfert des DMTO vers les agglomérations rejoint l’approche du gouvernement, qui a annoncé une loi sur les compétences des collectivités d’ici la fin 2024, réforme qui devrait obéir à la logique « une compétence, un responsable, un financement » pour reprendre les mots de Gabriel Attal. Pensez-vous que cette réforme va dans le bon sens ?

De manière générale oui, par exception non. Ce que je veux dire par exception, c’est que quand vous avez du renouvellement urbain et que vous allez démolir des immeubles sur un territoire, souvent cela veut dire que vous avez beaucoup de logements sociaux et que vous avez contribué fortement à cette politique. Dans ce cas, il y a besoin d’une solidarité nationale. Ce n’est pas normal que les DMTO financent une politique sociale que vous portez pour le compte de l’Etat. Aujourd’hui, ces politiques de renouvellement urbain sont d’ailleurs portées par des acteurs multiples, notamment par les Régions qui interviennent pour financer des démolitions d’immeubles et de la reconstruction.

Donc je pense que sur ces opérations d’intérêt national, comme le NPNRU, il faut garder un cofinancement, mais ça doit vraiment être l’exception, quand on estime qu’il y a une solidarité nationale qui doit jouer à une échelle locale. Sinon, effectivement, il faut faire une politique qui soit vraiment locale, à l’échelle de l’intercommunalité et du bassin de vie.

Le gouvernement a également annoncé une réforme de la loi SRU, avec la possibilité de faire entrer une proportion de logements intermédiaires dans le calcul du pourcentage de logement social que les communes sont tenues de respecter. Pensez-vous que cela peut inciter les maires qui rechignent à construire du logement social à développer du logement abordable ?

Nous avons lancé une consultation auprès de nos maires adhérents pour avoir leurs retours sur ce sujet. La loi SRU est rentrée dans les esprits, chacun se sent une responsabilité en la matière et les élus, avec ce débat sur l’intégration du LLI dans les objectifs de logements sociaux, estiment que ce n’est pas le sujet, qu’on perd notre temps sur un point de détail. En revanche dans des objectifs de création d’une offre de logement diversifiée pour toutes les familles, qu’on ait des objectifs, par territoire, de création de logements intermédiaires, quitte peut-être à adapter et à réduire l’obligation de logements sociaux, pourquoi pas ? Mais à condition que ce soit territoire par territoire. Avoir une réflexion nationale qui l’impose, c’est un peu désespérer ceux qui ont fait des efforts et ça peut être contre-productif.

En revanche, avoir une vision vraiment globale, ça peut être une bonne chose, mais ça existe déjà à l’échelle de l’intercommunalité. Je suis moi-même sur un territoire où l’on actionne au bénéfice de trois villes de l’agglomération le fait qu’elles sont dispensées de leurs obligations, considérant qu’on a assez de logement social à l’échelle de l’agglomération et qu’il n’y a pas suffisamment de demandes pour justifier le fait d’accélérer la construction. Du coup, ces villes n’ont pas à payer de contribution pour non-atteinte des objectifs. Il faut laisser de la souplesse là-dessus. La règle nationale, uniforme, c’est la fausse bonne idée.

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