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Piloter ses Epl, un enjeu de territoire

Publié le 22 octobre 2021

L’évolution de la décentralisation conduit les collectivités à disposer de plusieurs véhicules pour inscrire leurs politiques sur le terrain. L’un des enjeux fondamentaux du moment consiste pour les élus à piloter pleinement leurs Epl au service d’une stratégie de territoire. Une table ronde a réuni Syamak Agha Babaei, premier adjoint au maire de Strasbourg et vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg, Sandrine Charnoz, adjointe au maire de Paris en charge des Sem et Spl, Yann Guével, adjoint au maire de Brest et vice-président de Brest Métropole et Franck Masselus est adjoint au maire de Chartres et vice-président de Chartres Métropole pour échanger leurs réflexions et leurs expériences autour de ce thème important.

Photo Stéphane Laure

Cette échange a débuté sous les auspices d’un propos introductif de Floriane Boulay, déléguée générale adjointe de l’Assemblée des Communautés de France, qui a évoqué l’importance d’un échange structuré entre les Epl et les collectivités pour nourrir les élus et leur permettre de rapporter à l’assemblée les retours de l’activité. Elle insiste sur le portage politique nécessaire au déploiement d’une telle relation de long cours.

Aux élus de faire le premier pas

Syamak Agha Babaei rappelle le caractère historique de l’économie mixte en Alsace, avec la présence ancienne de structures dédiées à l’intérêt général. Il explique que la nouvelle équipe municipale a souhaité, au début de son mandat, identifier les acteurs de ce type sur le territoire et évaluer leur poids. Les collectivités de l’Eurométropole et leurs Epl mobilisent plus de 3 milliards d’euros d’investissement sur le mandat, ce qui appelle à la création d’un réseau partenarial se traduisant par des coopérations entre les structures, le partage du projet écologique et l’association à la réflexion stratégique. La RSE de la collectivité doit ainsi être envisagée conjointement avec les Epl. Un exemple concret est l’existence d’un AMI avec les Epl sur les espaces de la ville éphémère.

Pour lui, c’est aux élus qu’il revient de faire le premier pas dans cette relation. De fait, l’expérience montre qu’il existait une attente réciproque de dialogue. Les collectivités doivent se départir d’une position de donneur d’ordre pour devenir des collectivités stratèges. Une fois ce mouvement enclenché, chaque entreprise peut s’appuyer sur sa propre expérience et ses traditions pour trouver une cohérence territoriale visible par les citoyens.

Les Epl ne sont pas des satellites mais des opérateurs !

Sandrine Charnoz confirme qu’il ne faut pas regarder les Epl comme des satellites, mais comme des opérateurs bras armés des collectivités territoriales qui portent localement les services publics. Il en existe 18 à Paris. Elle avertit qu’il s’agit cependant d’entreprises dont le fonctionnement est mal connu des élus, plus habitués au monde public. La ville de Paris a donc une ambition particulièrement importante de formation à la nomination des administrateurs, sur la gouvernance des EPL, la déontologie et les métiers des entreprises. C’est la condition pour que les élus soient moteurs de la vie des EPL.

Les élus sont fortement accompagnés. Chaque année, un rendez-vous permet d’évaluer les potentiels de moyen et long terme afin de construire la feuille de route de chaque Epl. Le but est qu’elles puissent prendre leur part du contrat de mandature, comme par exemple la Sogaris sur la question du dernier kilomètre. Un réseau des directeurs et directrices d’Epl se réunit régulièrement pour échanger sur les sujets d’intérêt commun. Enfin un service dédié de 20 personnes permet aux élus de disposer d’une note avant chaque conseil d’administration sur la base du dossier.

Ensemble, les Epl parisiennes représentent 3 600 ETP, qui ont un impact important. La Sem funéraire a tenu son engagement de service public tout au long de la pandémie en décidant de continuer l’accueil des proches dans une période difficile. Le carreau du Temple s’est également transformé en halte d’accueil pendant cette durée. Il s’agit de très belles entreprises, avec l’intérêt général au cœur.

Les Epl font Maison commune à Brest

Yann Guével explique que son territoire a une longue expérience du modèle Epl. Ces opérateurs disposent d’une grande agilité et les collectivités ont besoin de leur intervention pour mettre en œuvre leurs politiques. Afin de faciliter les échanges, Brest a créé en 2014 la Maison commune avec ses Epl. Ceci s’est révélé très précieux pendant le confinement comme forum d’échange d’information et de solutions entre les structures. Il s’agit d’un lieu de partage ou s’établit une vision commune du territoire, et qui prolonge l’action strictement municipale pour couvrir la moitié du département. La Métropole ne s’y positionne donc pas comme propriétaire des structures mais comme l’actionnaire de référence au sein d’un groupe. Le lien fort avec la collectivité se traduit par un rapport consolidé de l’ensemble des Epl sur leur activité, qui permet une transparence auprès de la population.

Ce groupement est une ressource pour les Epl, au-delà de la simple circulation des informations. Elles y trouvent des exemples à répliquer et à adapter, mais également un groupement de commande permanent avec des collectivités territoriales, dont les plus petites EPL ou collectivités bénéficient grandement.

La Métropole ? Une holding ! Ses filiales ? Les Epl !

Franck Masselus porte un discours managérial sur les Epl, aimant à parler de holding pour la métropole, et de filiales ayant des obligations de résultat pour les Epl. Le groupe comprend 15 sociétés dont les finances sont, pour les besoins de l’analyse, agrégées avec celles de la métropole. Le débat d’orientation budgétaire est donc global et il considère qu’il constitue un outil important de communication. Cette intégration se manifeste par le rassemblement en un seul lieu de la mairie, de la métropole et du siège de l’ensemble des Epl. Différentes approches peuvent selon lui être prises pour le contrôle des Epl en fonction des particularismes de chaque structure, mais des outils sont nécessaires pour démontrer que la collectivité tient son rôle d’actionnaire.

Interrogés sur les bonnes pratiques pour permettre une bonne intégration des minoritaires dans ces groupes Epl, les réponses des membres de la table ronde sont en partie convergentes. Franck Masselus souligne le poids des sujets organisationnels, tels que le versement de jetons de présence ou la prévisibilité des réunions. La présence de l’opposition lui semble essentielle pour garantir la transparence du modèle. Sandrine Charnoz redit son attachement à la formation métier qui permet à chaque administrateur de se projeter dans l’Epl. Il convient également que les nominations suivent l’intérêt personnel des élus pour les secteurs concernés. Le choix de Paris de plafonner les jetons de présence et de les décorréler de la taille des structures diminue ainsi l’importance de sujet dans les nominations. La majorité doit également avoir un dialogue avec les groupes minoritaires, et ne pas hésiter à leur demander le changement d’élus systématiquement absents. Yann Guével estime que la clé est de choisir des gens intéressés et motivés, Brest n’ayant par ailleurs pas la culture des jetons de présence.  Il faut travailler en amont pour générer du consensus. Syamak Agha Babaei, enfin, explique ne pas recourir aux jetons ; les indemnités de présidence sont en outre plafonnées et identiques pour toutes les Epl. Il estime que l’intérêt se crée au niveau de la structure, l’activité opérationnelle étant plus consensuelle et générant moins de postures.

Par Florian POIRIER
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