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Normandie

« Les Epl répondent à la complexité de l’organisation territoriale »

Publié le 1 septembre 2023, par Stéphane Menu avec Mathieu Landau

Ancien président de la FedEpl, Jean-Léonce Dupont rappelle que les départements sont des acteurs historiques de l’économie mixte locale. Il insiste sur le fait que le département reste la seule strate territoriale permettant « l’adéquation entre la gestion de la proximité et la mise en place de la solidarité à travers un champ de péréquation suffisant ». Entretien.

Jean-Léonce Dupont (Photo DR).
Comment percevez-vous le rôle de l’économie mixte locale sur le territoire départemental ?

La sphère publique est en permanente évolution et va vers de plus en plus de complexité. Face à ces évolutions et ce changement de paradigme, il y a utilité à s’interroger sur ce que sont les politiques publiques et la notion d’intérêt général tout en s’évertuant à s’inspirer de l’efficacité et de l’agilité que l’on observe dans des structures qui relèvent plutôt du privé. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre le refus de la dictature court-termiste que portent certaines structures privées et, en même temps, le fait de capter une forme d’agilité dans le processus de gestion. C’est peu de dire que la sphère publique et administrative a naturellement quelques lourdeurs. L’économie mixte peur répondre à ces difficultés et demeure, selon moi, un modèle extrêmement pertinent. Les Epl sont des outils de décentralisation, créées par les élus pour les collectivités dont ils ont la charge et bien évidemment pour les populations pour lesquelles ils essayent d’améliorer l’environnement.

Est-ce que vous avez le sentiment que les départements saisissent cette opportunité et qu’ils ont compris l’intérêt de ces outils ?

Je crois que les départements ont toujours saisi l’opportunité offerte par les Epl. Nous sommes des acteurs historiques de ce mouvement à la fois dans des secteurs traditionnels mais aussi dans des secteurs plus innovants. Dans le département du Calvados, nous avons très récemment créé une SemOp pour la gestion des 7 ports départementaux (Honfleur, Trouville-sur-Mer, Port-en-Bessin, etc.). Ces ports étaient préalablement sur des délégations de service public, mises en place initialement par l’Etat, et qui avaient pratiquement une cinquantaine d’années. Nous savons bien que les SemOp répondaient particulièrement bien à la problématique de fin des délégations de service public. Nous étions dans des délégations de service public qui étaient à bout de souffle sur lesquelles le pouvoir de contrôle des élus étaient extraordinairement éloigné. Notre démarche a été de dire : « Nous avons une façade maritime de 120 km, nous avons une véritable orientation stratégique et une volonté politique de mutualiser la gestion d’un outil qui s’adapte aux uns et aux autres, etc. ». Nous avons donc décidé de créer un outil novateur et original qui répond parfaitement à nos problématiques. Dans un domaine totalement différent, nous sommes également en train de réfléchir à la possibilité de créer une Spl et une Sem afin de pouvoir gérer l’ensemble des activités des laboratoires départementaux et interdépartementaux. Une partie des activités des laboratoires resteront dans le in house grâce à la Spl. L’association avec des partenaires privées via la Sem sera, pour les activités concernées, un apport extrêmement intéressant.

Le département a récemment été fragilisé par une série de réformes qui a resserré son champ d’action. Pourtant, le département s’est imposé comme un acteur reconnu, de proximité, vecteur de stabilité. Pour vous, quelle est aujourd’hui la place des départements dans le grand chamboulement territorial que nous connaissons ?

Les évènements récents montrent bien l’utilité et la pertinence de cet échelon territorial. La crise Covid, pour ne citer que cet exemple, a démontré que l’acteur de proximité capable de seconder l’Etat dans la gestion de cette crise, c’était l’instance départementale. La réorganisation régionale et les incohérences que nous pouvons observer quotidiennement ont mis en lumière la nécessité de conserver le département, seule strate territoriale permettant l’adéquation entre la gestion de la proximité et la mise en place de la solidarité à travers un champ de péréquation suffisant. Dit plus simplement, le département possède la taille suffisante pour assurer une péréquation, notamment entre le rural profond et l’urbain/périurbain, tout en conservant un périmètre garantissant une intervention de proximité. La demande de la population demeure une demande de proximité. La réponse publique depuis quelques décennies est de construire de l’éloignement avec, pour ne citer que ces exemples, la création de communes nouvelles XXL, des EPCI XXL, des régions XXL, des cantons dont le territoire est totalement disproportionné.  Je pense que les départements sont particulièrement bien placés pour agir avec grande efficacité sur les réseaux : les routes, la fibre, l’eau, l’assainissement ou encore la mobilité douce. Sur l’ensemble de ces champs d’activité, on constate que si l’on souhaite de l’efficacité et de l’agilité, c’est aux départements qu’il faut s’adresser.

Nous avons traversé une période délicate pour les départements avec notamment un resserrement des compétences et la perte de la clause globale de compétences. A cela s’est ajouté une situation financière peu évidente à gérer.  Les départements ont été obligés de s’interroger sur leurs modalités d’intervention et ont été invités à se réorganiser. Ces derniers sont donc devenus une strate territoriale en constante évolution et en perpétuelle innovation. Il n’est dès lors pas étonnant de retrouver de nombreuses créations d’Epl dans les départements, notamment dans des champs novateurs pour répondre aux nouveaux besoins de la population, que ce soit dans le champ de solidarité ou bien encore de l’alimentation.

Dans le département du Calvados, est-ce qu’on pourrait voir émerger, dans les prochaines années, de nouvelles Epl dans les domaines d’activités que vous venez de citer ?

Je n’ai absolument aucun tabou en la matière. Il faut être pragmatique et voir l’intérêt et l’utilité que peuvent développer ces entreprises dans ces nouveaux champs d’activité par rapport à ce qu’il existe déjà.

Vous êtes un département où la place de la ruralité est prépondérante. Avez-vous le sentiment que le département est un outil indispensable pour accompagner et soutenir le monde rural ?

Le département est la seule strate capable d’assurer l’équité entre tous les territoires. Je parle volontairement d’équité plus que d’égalité. C’est important de bien comprendre cette nuance. Vous ne ferez jamais de la Creuse l’équivalent de Paris, heureusement pour les Creusois, quels que soient les montants d’investissement. La strate départementale est la strate d’équilibre capable d’impulser des politiques de solidarité territoriale efficaces.

 

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