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A La Réunion, apprendre à vivre sous la menace renforcée des cyclones

Publié le 2 février 2024, par Stéphane Menu

Les Réunionnais se souviendront longtemps de ce mois de janvier 2024. L’île a connu trois épisodes pluvieux successifs qui ont saturé les sols et fait déborder les cours d’eau. Sur le terrain, les Epl se mobilisent pour réparer, panser les plaies d’une économie en délicatesse et mieux appréhender les conséquences d’une menace cyclonique plus forte.

Le cyclone Dina en 2002 avait causé déjà de nombreux dégâts sur l’île (Wikimédia Commons)

« Le mois de janvier 2024 est exceptionnel, assure François Bonnardot, responsable de la prévision à Météo France Réunion. C’est le troisième mois de janvier le plus arrosé sur La Réunion depuis plus de 60 ans de relevés ». Le cyclone Belal, puis celui de Candice, prolongés par de fortes pluies, ont mis les nerfs des habitants à rude épreuve. « Le cyclone Belal nous a impacté et a apporté des pluies fortes et remarquables sur tous les hauts de l’île et sur le Nord-Ouest de l’île, poursuit le météorologue. Les cumuls dépassaient les 500 mm sur de nombreux secteurs ».

Exposés à tous les risques

Comment les Epl font-elles face à cette réalité-là ? Jacques Lowinsky, président de la Fédération régionale des Epl de l’Océan Indien, PDG de la Nordev et 1er vice-président de la communauté d’agglomération du Nord de la Réunion (Cinor), insiste sur l’état d’esprit des habitants. « Ici, la population est résiliente. Elle sait repartir de l’avant après les catastrophes. Mais, en même temps, nous avons un peu perdu la mémoire des cyclones, la tradition ne se fait pas suffisamment bien, comme au Japon sur les tremblements de terre. Cette menace de Belal, ces vents, ces tornades, nous ont rappelés qu’en dehors du risque d’avalanches, nous étions ici exposés à tous les risques », assure Jacques Lowinsky, avec un brin d’humour salutaire.

Adapter les Fonds Feder à cette nouvelle donne

Les dégâts causés par les épisodes pluvieux sont considérables. Leur réparation se chiffre à plusieurs millions d’euros, du fait notamment des nombreux glissements de terrain. « Les sols sont devenus très perméables », confirme Jacques Lowinsky. Où trouver de telles sommes ? « Les seules ressources des collectivités territoriales et de l’Etat n’y suffiront pas. Il faudrait un effort conséquent de l’Europe, en reconsidérant la manière de mobiliser les fonds Feder, trop restrictive pour l’heure pour les RUP (Ndlr, régions ultrapériphériques). « Rien qu’à l’échelle de la Cinor, nous aurons à mobiliser 8 M€ en puisant dans notre budget de fonctionnement sur un total de 240 M€ (investissements et fonctionnement compris) alors que l’Etat nous annonce qu’il ne nous aidera qu’à l’échelle des investissements. Il faut rapidement que nous ayons une feuille de route plus précise », affirme le président.

Mieux gérer les crises en amont

Car la réalité météorologique est connue, les températures vont continuer à grimper sur l’île et le risque cyclonique se renforcer : « Ce qui signifie que les Entreprises publiques locales seront plus réactives déjà qu’elles ne le sont et que la reconstruction devra se faire dans la durée. C’est une course contre la montre », estime Jacques Lowinsky. « Nous sommes dans une forme d’incertitude permanente », reconnaît Yannick Payet-Fontaine, directeur général de la Sedre, Société d’équipement du département de la Réunion. « Il est vrai que nous avons évité le pire avec le cyclone Belal mais nous savons bien que ce type d’évènements intenses peut mettre l’économie de l’île durablement à genou. Un logement qui est détruit, pour une famille, c’est une vie qui s’en va. C’est très traumatisant ». Comme ce bailleur historique de l’île fait-il face à la situation ? « La gestion des risques relève des collectivités territoriales et de l’Etat. Il y a sans doute une amélioration à prévoir dans la gestion en amont de la crise, nous pouvons apporter des infos éclairantes aux autorités », regrette le DG.

La submersion marine menace les populations

Pour l’aménageur, la situation ne s’apparente-t-elle pas à celle de Sisyphe, symbole de l’absurde d’un rocher que l’on remonte en permanence et qui retombe immédiatement une fois le sommet atteint ? « Les méthodes de construction évoluent, les infrastructures résistent. Mais jusqu’à quand ? Il existe de l’habitat informel à La Réunion mais les démarches RHI (Résorption de l’habitat indigne) sont sur une bonne dynamique ». La population est dans une phase de prise de conscience. « Dans la commune littorale où je vis, à Saint-Louis, nous sommes directement concernés par la problématique de la submersion marine. La mer est désormais dans les maisons. Il va falloir imaginer les conditions dans lesquelles les populations seront déplacées. Pour le moment, on rafistole, à travers la pose d’enrochements censés enrayer la montée des eaux mais ça ne suffira pas ». Avec le préfet Jérôme Filippi, très mobilisé pendant les épisodes pluvieux extrêmes, la gestion de l’après-cyclone se passe bien : avec les gestionnaires de réseaux, les difficultés sont bien recensées, les urgences à traiter sont identifiées. « Cette coordination est indispensable », confirme Yannick Payet-Fontaine.

Le patrimoine naturel à protéger

Gilbert Rivière, directeur général de la Spl Edden, qui travaille sur le développement durable de La Réunion, a mobilisé ses équipes avant le cyclone pour démonter les pépinières et mettre à l’abri 14 000 plants d’espèce endémique. « Ça nous a pris deux jours, avec 80 personnes mobilisées et 20 camions en rotation pour relever ce défi », dit-il. Tous les sentiers naturels ont été fermés pendant les alertes. « Nous sommes missionnés pour les inspecter et les rouvrir lorsque nous les avons sécurisé, en élaguant les arbres, en déplaçant ceux qui sont tombés, etc. ». Lui aussi appelle de ses vœux une meilleure coordination des acteurs en amont. « Nous n’aurons pas le choix face au renforcement de la menace ».

 

 

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