
Pouvez-vous nous présenter RTES et ses formes de plaidoyer?
Le RTES est un réseau national réunissant plus de 200 collectivités territoriales, quel que soit leur échelon, engagées dans le soutien à l’économie sociale et solidaire. Sa première mission est de mettre en réseau et de permettre le partage des bonnes pratiques. Il mène aussi des réflexions plus spécifiques sur certains sujets comme l’ESS dans les territoires ruraux, les coopérations économiques, les marchés publics responsables, … Il assure aussi un rôle de relais auprès des pouvoirs publics, souvent avec l’appui d’autres réseaux de collectivités ou de l’économie sociale et solidaire. Le RTES a des contacts directs avec les ministères, est membre de plusieurs groupes de travail et siège au sein du conseil supérieur de l’ESS. Le RTES œuvre aussi à l’échelle européenne, avec l’appui aussi d’autres réseaux, pour la prise en compte des enjeux spécifiques aux collectivités territoriales dans leur souhait de soutenir l’ESS.
Comment travaillez-vous avec les collectivités et les communes ?
Nos membres sont uniquement des collectivités locales, les communes représentant l’essentiel des adhérents. Nous intervenons à plusieurs niveaux auprès des communes. En organisant, souvent avec d’autres partenaires, des rencontres territoriales permettant la mise en réseau et l’échange de bonnes pratiques En organisant des formations à destination des agents et de élus. En accompagnant les communes lorsqu’elles ont des besoins spécifiques (analyse juridique, aide au montage de certains dispositifs,…). Aussi, le RTES publie chaque année des outils au services des élus et des collectivités, ou de leur groupement, pour sensibiliser, informer, aider au développement de l’ESS dans les territoires.
Que peuvent apporter les Epl au monde de l’ESS selon vous et réciproquement ?
Il faut déjà partir de ce qui rassemble les EPL et les entreprises de l’ESS : l’intérêt territorial et la recherche de l’intérêt collectif, si ce n’est général. Leurs objectifs ne sont pas de porter des activités économiques particulièrement lucratives dans le but de rémunérer des actionnaires mais bien de porter des activités (diverses et variées dans les deux cas) qui vont apporter quelque chose en plus au territoire et à ses habitantes et habitants. Il y’a donc, dès le départ, une communauté de valeurs entre les EPL et les acteurs de l’ESS. À partir de là, les deux ne peuvent que d’être utiles mutuellement et se renforcer.
Les EPL ont plusieurs moyens de venir en soutien des acteurs de l’ESS. D’abord, en leur étant utile du fait même de leur activité principale. Il peut cependant être nécessaire pour les EPL d’adapter leurs offres à l’ESS. En effet, bénéficiant d’une lucrativité limitée, les conditions « normales » du marché sont parfois inaccessibles aux acteurs de l’ESS. Dans ces cas-là, il faut travailler sur des logiques de péréquation avec d’autres activités plus lucratives et intégrer cette dimension dans le modèle économique de la société. Il peut aussi être nécessaire dans ces situations d’aller chercher de nouveaux partenaires avec lesquels les EPL ont moins l’habitude de travailler pour créer les bonnes conditions.
Ensuite, de manière plus indirecte, les EPL peuvent soutenir l’ESS dans une logique d’achat socialement et environnementalement responsable en ayant recours comme prestataire à l’économie sociale, cela renforce l’impact territorial des activités de l’EPL. Pour cela, des outils comme les clauses, les marchés réservés, … peuvent être mobilisés. La manière de rédiger les marchés (allotissement, adaptation de la grille de notation,…) est aussi importante. Les EPL peuvent se rapprocher de leurs collectivités qui ont l’habitude de cela pour être accompagnées à cet effet, ou bien de leur chambre régionale de l’ESS (CRESS) qui pourra contribuer à les outiller.
Enfin, dans des logiques de responsabilité territoriale des entreprises (RTE) les EPL peuvent aussi intervenir en soutien technique (conseil par exemple), en soutien financier (mécénat), en mécénat de compétences.
A Bordeaux par exemple, la SEM « Bordeaux Métropole Aménagement » BMA est intervenue d’abord en conseil auprès d’une société coopérative d’intérêt collectif, Ïkos, dont l’objet est la création d’un village du réemploi, avant ensuite de les accompagner en AMO et d’investir au capital de la SAS qui porte le projet immobilier permettant ainsi de compléter le tour de table financier et surtout de rassurer d’autres investisseurs.
Comment les entreprises de l’ESS peuvent-elles aussi apporter des solutions nouvelles aux EPL ?
D’abord en leur permettant de renforcer leur impact territorial et leur impact social. Dès lors qu’une EPL a recours aux services d’un acteur de l’économie sociale, elle aura la certitude que les bénéfices dégagés par l’activité seront réinvestis dans le projet et sur le territoire. L’exploitation et la gestion de certains sites ou de certaines activités peuvent ainsi être confiés à des acteurs de l’ESS ce qui va permettre de garantir un lien permanent avec le territoire, un dialogue avec les acteurs locaux et notamment les élus. Les entreprises de l’ESS couvrant un champ très large d’intervention, elles sont capables de répondre à diverses problématiques rencontrées par les EPL. En outre, les EPL étant très attentives au partage de la valeur sur un territoire, elles peuvent pousser encore plus loin cette vigilance en travaillant davantage avec des acteurs à lucrativité limitée.
Aussi, les entreprises de l’ESS sont aussi souvent sources d’innovation sociale permettant de proposer de nouvelles réponses à des besoins déjà identifiés. Ainsi, cela permet d’élargir le champ d’action de l’EPL et d’élargir sa palette avec des solutions nouvelles. A titre d’exemple, à Bordeaux, la SEM InCité a confié en délégation de service et après appel d’offre, l’exploitation d’un tiers-lieu, la Manuco, à un collectif d’acteurs locaux. Cela permet de garantir les orientations initiales du projet et facilite le maintien d’un travail partenarial avec les autres acteurs et notamment les élus car nous connaissons par ailleurs notre territoire et ces structures. Cela simplifie souvent beaucoup de choses.
Comment renforcer l’alliance territoriale des structures de l’ESS avec les Epl afin de multiplier les bonnes pratiques ?
Je crois que la première chose à faire est de permettre aux EPL et aux structures de l’ESS d’un même territoire de se connaître. Alors qu’elles ont beaucoup de choses en commun, elles se connaissent peu. Cela laisse trop de place aux préjugés, et cette méconnaissance ne permet pas un travail de qualité au service du territoire. On pourrait par exemple tout à fait imaginer des rencontres annuelles entre EPL et structures de l’ESS d’un territoire.
Une meilleure connaissance réciproque permettrait de mieux comprendre ce que fait l’autre et ainsi de faciliter ensuite les collaborations et les coopérations. Les deux œuvrant au service du territoire, il ne peut y avoir que des intérêts à travailler ensemble dès lors que c’est possible. A chacun de faire un pas vers l’autre. Les fédérations régionales des EPL, les CRESS, le RTES peuvent certainement faciliter cette mise en réseau et cette mise en lien.
Le terme d’ « alliance territoriale » est d’ailleurs particulièrement bien choisi dans votre question. Je l’utilise souvent pour évoquer la nécessité de réunir, sur un territoire, les bonnes volontés, les moyens d’actions, … pour tirer dans le même sens :à savoir le développement local. Il y a une communauté de valeurs, il y a des objectifs en commun et il faut organiser tout cela afin d’augmenter l’impact. Ensemble, on va plus loin.
Quel est le rôle des élus en la matière ?
Les élus peuvent être à l’initiative de ces rencontres, de ces mises en réseau, … Nous connaissons bien nos territoires, nos villes. Nous pouvons identifier des pistes de collaboration et justement identifier les moments où cette alliance territoriale peut être utile et pertinente. Nous pouvons jouer le rôle de facilitateur, d’initiateur, de dynamiseur.