
Quels sont les besoins en matière de production d’énergies renouvelables à horizon 2030 et à horizon 2050 au regard des différents scénarios que vous avez dessinés ?
Les Futurs énergétiques 2050, étude de RTE parue en 2022, chiffre des perspectives à la hausse de la consommation d’électricité et met en évidence l’indispensable accélération du déploiement des énergies renouvelables et la rentabilité de la prolongation des réacteurs nucléaires existants.
Ces conclusions se trouvent confirmées, voire amplifiées à l’horizon 2025-2035, dans le cadre du Bilan prévisionnel 2023 : il n’existe plus de doute aujourd’hui sur la nécessité d’une augmentation de la consommation d’électricité (plus ou moins prononcée selon les scénarios proposés par RTE) par effet de substitution aux énergies fossiles, si la France veut atteindre ses objectifs de décarbonation.
Il est ainsi impératif de maximiser la production d’électricité décarbonée. Ceci peut prendre la forme de scénarios très différents en ce qui concerne la part des énergies renouvelables et du nucléaire à long terme, mais nécessite, à court terme, un développement rapide des énergies renouvelables partout où cela est possible : solaire, éolien terrestre ou maritime, sans oublier l’hydraulique dont le potentiel de croissance doit être utilisé là où cela est encore possible.
Depuis la parution de votre rapport en 2022, les trajectoires prises nous orientent-elles vers un scénario en particulier ?
Les orientations actuelles, issues du discours de Belfort du Président de la République en 2022, s’appuient sur le scénario « réindustrialisation profonde » des Futurs énergétiques 2050 pour la consommation d’électricité (hausse d’environ +60%).
Sur le nucléaire, le choix est celui de la prolongation des réacteurs existants et du lancement d’un programme de construction d’au moins 6 nouveaux EPR 2 d’ici 2050. En ce qui concerne les énergies renouvelables, les orientations annoncées par le président de la République reposent sur le développement de l’éolien en mer et du solaire, et d’une poursuite du rythme actuel du développement de l’éolien terrestre.
La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) doit fixer et chiffrer les grandes orientations pour 2030 et 2035. Un texte de loi programmatique doit être examiné par l’Assemblée nationale en juin et un décret doit être adopté à la rentrée 2025. Il est urgent de se doter d’une planification publique stable : la fixation de ces trajectoires est essentielle à la réalisation de l’ensemble des investissements nécessaires à l’électrification et à la décarbonation du pays.
Devant les objectifs d’atteinte de la neutralité carbone en 2050, quels sont les enjeux relatifs à l’adaptation du réseau ?
Le 13 février 2025, RTE, a présenté les grandes orientations de sa stratégie de transformation de son réseau à l’horizon 2040. Le schéma de développement décennal du réseau (SDDR) constitue une feuille de route industrielle qui vise à préparer une nouvelle ère où l’électricité deviendra la principale source d’énergie dans le mix énergétique français.
A l’issue de deux ans de travaux techniques et de concertation, trois priorités stratégiques émergent dans le SDDR : renouveler un réseau qui vieillit et l’adapter face au changement climatique (fortes chaleurs et crues) ; raccorder les installations bas-carbone (nouvelles usines, centres de données, nucléaire, renouvelables, batteries) ; renforcer la structure du réseau pour maintenir sa performance actuelle, tout en accueillant ces nouveaux flux électriques.
En tant que plan-programme, le SDDR est soumis à l’avis de l’Etat et des autorités compétentes et fera l’objet, au cours de l’année 2025, d’un débat public sous l’égide de la Commission nationale du débat public.
Quels sont les impacts du développement de l’autoconsommation sur le réseau électrique ?
L’un des scénarios élaborés par RTE dans l’étude Futurs Energétiques 2050 prévoit un fort développement des énergies renouvelables, en grande partie porté par la filière photovoltaïque, réparties de manière diffuse sur le territoire et plus particulièrement à proximité des grands centres de consommation. Avec près de 35 GW d’installations photovoltaïques en toiture résidentielle à l’horizon 2050 (consommation de référence), ce scénario représente ainsi huit millions de maisons individuelles (soit une maison individuelle sur deux) qui pourraient être en mesure de consommer directement leur production photovoltaïque. Cet essor sous-tend une mobilisation forte des acteurs locaux participatifs et des collectivités locales.
Le développement de l’autoconsommation peut contribuer au développement de la flexibilité de certains usages chez les consommateurs particuliers. En effet, l’intérêt financier pour un autoconsommateur à déplacer la consommation du ballon d’eau chaude et la charge du véhicule électrique vers les périodes de production solaire est beaucoup plus important que pour un consommateur ne disposant pas de panneau solaire en autoconsommation. Toutefois, en raison de la variabilité de la production solaire, l’exploitation du réseau de transport devra intégrer d’autres leviers de flexibilités (stockage, effacement, interconnexions).
En termes de coûts, même si la répartition diffuse des installations tend à favoriser le rapprochement des centres de consommation et de production et donc à réduire les besoins d’infrastructure de réseaux interrégionaux, les gains sur le réseau de transport ne compensent que très partiellement les surcoûts associés aux petites installations photovoltaïques, (en comparaison avec les grands parcs au sol et le photovoltaïque sur grandes toitures) et aux besoins de flexibilité qui en découlent.
Séverine Larere a été nommée Secrétaire Générale de RTE le 10 octobre 2022. Ancienne élève de l’Ecole nationale d’administration, elle est conseillère d’Etat.
Auparavant, elle a notamment occupé les fonctions de chef du pôle de droit public économique au sein de la direction juridique d’EDF. Elle a également été membre du collège de l’Autorité de la concurrence. Avant de rejoindre RTE, elle était conseillère juridique et parlementaire au sein de la Coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme.