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Antoine Guyot (KPMG) : « L’Epl concilie les atouts de l’entreprise avec la satisfaction de l’intérêt général »

Publié le 23 mai 2024

Antoine Guyot, expert RSE/ESG/Sociétés à Mission chez KPMG France, revient justement sur cette innovation majeure des sociétés à mission introduite lors de la loi Pacte. Il rappelle que ces dernières ne cessent de croître, passant, en 5 ans, d’une dizaine à 1 620. Elles jouent un rôle d’attractivité et de fidélisation pour les entreprises, et donc les Epl, désireuses de conserver leurs meilleurs éléments.

Antoine Guyot
Antoine Guyot
La loi Pacte a été promulguée il y a 5 ans, quel bilan en faites-vous ?

La loi Pacte, promulguée en mai 2019, est très importante en matière de responsabilité d’entreprise. En effet, la modification de l’article 1833 du Code Civil redéfinit tout bonnement l’objet social d’une entreprise : désormais toute société commerciale doit « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». La responsabilité sociale ou sociétale des entreprises est dès lors consacrée dans le Code Civil et la Loi !

La loi introduit aussi une innovation correspondant à une qualité juridique : la société à mission (SàM). C’est un cadre de progrès qui permet aux entreprises qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être et d’objectifs sociaux et environnementaux. Ce faisant, ces entreprises vertueuses affichent, en toute transparence, leur utilité sociétale.

Concernant ces SàM, je retiens d’abord une forte dynamique de développement. En 5 ans, elles sont passées d’une dizaine à 1 620. Près de 80% sont des TPE ou PME mais ces dernières années ont vu une croissance du nombre d’ETI et de grandes entreprises, sur-représentées par rapport à leur poids dans l’économie française. Que l’on songe à Danone, à la Maif, à la Poste ou à KPMG pour n’en prendre que quelques-unes.

Second point, tous les secteurs d’activités sont représentés avec une forte proportion des services, monde de la « Tech », conseil en stratégie/transformation et Finance/Banque/Assurance en tête. Mais le commerce, l’industrie même l’agriculture sont aussi représentés.

Et puis, si plus de 40% des SàM sont franciliennes, désormais les territoires rattrapent leur retard initial. Toutes les régions, y compris hors métropole, comptent des entreprises à mission, avec une forte progression !

En quoi l’entreprise à mission constitue-t-elle un enjeu stratégique pour les Epl ?

D’abord, les entreprises, qu’elles soient publiques et locales ou non, sont sujettes à une forme de désaffection des salariés. Pour les Epl, l’enjeu de l’attractivité et de la fidélisation des employés est important. Dans un cadre budgétaire contraint, impossible d’imaginer augmenter fortement la masse salariale !

Hors le fait de passer à mission pour une entreprise engendre un afflux de candidatures qualifiées non négligeables. Un groupe bancaire évoquait le chiffre de 37% de candidatures RH supplémentaires.

Et puis, il y a le sujet du sens. Face à cette réalité, pouvoir redonner du sens à l’action de l’Epl, rappeler dans sa raison d’être, tout à la fois ses valeurs et son identité mais aussi se distinguer en marquant son cap, sa boussole, c’est attractif. De nombreuses études indiquent qu’à l’heure du sens au travail, les candidats apprécient le fait que leur entreprise ait défini clairement son utilité pour être en concordance avec elle.

Les Epl sont-elles naturellement portées à devenir entreprise à mission ?

Si l’on en croit les chiffres assez faibles (une petite dizaine) du nombre d’Epl devenues SàM, on pourrait répondre par la négative. Et pourtant de nombreux signaux faibles me font dire que l’histoire n’est pas écrite.

D’abord, parce que vos homologues sautent le pas. Les collectivités territoriales sont nombreuses à s’intéresser à la société à mission et acceptent ou incitent quelques-unes de leurs structures à se transformer, quitte à envisager la mission y compris lorsqu’il ne s’agit pas de sociétés commerciales. Je viens d’accompagner une agence de développement économique métropolitaine, une association, à passer « à mission ». Une organisation départementale de Tourisme, là encore sous statut associatif, m’a fait confiance pour devenir une entité à mission. Je pourrais vous parler d’aménageur public, de bailleurs sociaux –qui pourraient être EPL- et sont en chemin vers la mission. Je peux supposer que les élus locaux, dans une forme de cohérence, orienteront les SEM dont ils sont les actionnaires majoritaires vers cette qualité juridique nouvelle.

Ensuite parce qu’il ne faut pas oublier que l’Epl concilie les atouts de l’entreprise avec la satisfaction de l’intérêt général. Lorsque la société à mission défend sa contribution sociétale, son utilité au monde et le bien commun, son ambition, sans aller jusqu’à l’intérêt général, s’accorde au moins sur une notion d’intérêt collectif.

Des législateurs, des ministres ont poussé à ce que des secteurs entiers -on peut penser aux gestionnaires d’EPADH, de structures de petite enfance- passent tous sociétés à mission. Parce que le rôle citoyen des entreprises doit parfois être rappelé.

Quelle offre d’accompagnement KPMG a sur ce sujet ?

Je tiens à rappeler que KPMG est société à mission depuis un peu plus de 2 ans. Seul cabinet parmi les « big four » à avoir fait ce choix. Dans nos objectifs de mission, pousser nos clients à se transformer est l’objectif dont je me rappelle le mieux. C’est la raison de mon arrivée dans ce cabinet.

Notre accompagnement vise à aider l’entreprise à formuler sa mission, c’est-à-dire sa raison d’être et ses engagements. Nous accompagnons l’organisation dans sa modification de gouvernance et sa transformation statutaire et puis, nous sommes là pour l’aider à faire vivre cette mission dans le temps.

Enfin, parce que KPMG est Organisme Tiers Indépendant (OTI) et accrédité pour cela, nous pouvons effectuer une mission de vérification. Il s’agit d’une sorte d’audit, que la loi impose aux entreprises à mission et qui rend le modèle SàM robuste et de plus en plus attractif.

La FedEpl publiera prochainement des portraits d’Epl qui ont fait le choix de devenir des sociétés à mission. 

 

Par Camille BOULAT
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