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Logement : les nouveaux ministres confirment que l’Etat financera la rénovation, pas la construction

Publié le 23 février 2024

Le déblocage de la chaîne du logement, rentrée dans une économie de crise, viendra du parc locatif, d’une part, pour remettre en mouvement les parcours résidentiels, et, d’autre part, d’un coup de pouce à la solvabilité de candidats acquéreurs en incitant les banques à proposer de nouveaux produits pour « redonner du pouvoir d’achat immobilier ». Un champ de travail destiné à réenchanter la demande auprès des professionnels de la production de logements nouveaux, en même temps que la simplification sera, avec le financement de la rénovation énergétique, le mot-clé de la politique du logement.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Le ministre de plein exercice en charge du logement, Christophe Béchu, et son ministre délégué à cette question, ont pris tous deux la parole en ce début de semaine dans les médias, pour évoquer une crise du logement que Guillaume Kasbarian, nommé vendredi, juge « très profonde », au moment où la baisse de la production de logements est, selon ses mots, « catastrophique ». Les acteurs du logement, et donc de l’aménagement dont le logement est une composante essentielle, sont plongés dans une économie de crise, coûteuse en ressources et donc en emplois.

Le nouveau ministre délégué au Logement a déclaré, au micro de RTL matin, lundi, qu’il est conscient de la situation actuelle du logement en France. « C’est une crise multifactorielle qui touche aussi bien les Français qui voudraient acheter mais ne le peuvent pas parce que la banque dit non, et des personnes qui voudraient louer un bien mais sont obligées de faire la queue parce qu’il y a très peu d’offre sur le marché locatif. Et l’offre de construction nouvelle est à l’arrêt. Les acteurs alertent sur la profondeur de la crise, que je constate moi aussi. »

Le mantra du choc d’offre pour débloquer le marché

« Il faut de l’offre, a répété Guillaume Kasbarian au micro de RTL. Il faut débloquer l’offre sur le marché locatif, et aussi sur celui de la construction neuve ». Conclusion du ministre ? « Nous allons nous employer à simplifier les choses, pour avoir plus d’offre locative et débloquer la construction là où c’est possible et là où c’est intéressant, tout en aidant la demande avec des outils de financement un peu innovants. » Et d’ajouter : « Nous espérons des résultats rapides. »

Néanmoins, pas plus Christophe Béchu que Guillaume Kasbarian n’annoncent d’appui d’ordre financier direct au secteur du logement. Il se confirme bien de façon implicite que l’Etat a décidé de faire de ce secteur un poste d’économies budgétaires. Les crédits budgétaires vont à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, pas à la production nouvelle. Et l’on sait que le gouvernement s’apprête à décentraliser, plus largement qu’elle ne l’est avec les PLH, les Offices HLM et la délégation des aides à la pierre, la compétence logement en tant que telle – l’urbanisme et le foncier le sont déjà. Elisabeth Borne, première ministre, l’avait officialisé après que le ministre délégué au Logement Patrice Vergriete, désormais passé aux Transports, en ait beaucoup parlé. Gabriel Attal a souhaité fin janvier devant le Sénat la présentation d’une loi de décentralisation « avant la fin de l’année ».

De fait, les réponses à la crise actuelle d’un secteur du logement mis à l’arrêt dans son ensemble, neuf et ancien, locatif ou en accession, sont des réponses où l’Etat ne dépense pas un sou – sauf pour soutenir la rénovation énergétique : Ma Prim’Rénov est dotée d’1 milliard d’euros supplémentaires, et se déploie vers les propriétaires bailleurs avec l’aide de l’association Bail Rénov’. Elle devrait être simplifiée, elle aussi – les ministres recevront la FFB et la Capeb dans ce but notamment, jeudi 15 février. Mais ni en subventions comme espéré par le mouvement HLM, ni en défiscalisation rêvée par la promotion privée le logement neuf, ou nouveau, n’est soutenu directement.

Vers des prêts hypothécaires in fine ?

Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas question d’argent. Christophe Béchu a ainsi évoqué, dans une interview au journal Le Parisien, ce lundi, des discussions avec les banques pour « redonner du pouvoir d’achat immobilier aux Français ». « Trop de ménages essuient un refus, les banques doivent fournir un effort », déclare le ministre au quotidien. Les ministres vont rencontrer les acteurs du système bancaire « fin février pour discuter » de la mise en place de prêts in fine, dits aussi « hypothécaires », comme on les pratique déjà en Suisse. C’est une solution que le patron du groupe Altarea souffle au gouvernement depuis le CNR Logement.

L’emprunteur souscrit un prêt sur 20 ou 25 ans sur 80% du prix du logement, les 20% restant produisant au compte de la banque les intérêts d’une hypothèque remboursée au moment de la vente. Les mensualités sont donc plus accessibles, ou bien l’emprunteur peut emprunter une somme plus élevée et acheter plus grand.

Rouvrir d’anciennes passoires thermiques à la location

D’autre part, le ministre attend beaucoup de l’aide à la rénovation des passoires thermiques pour réanimer le secteur locatif. L’idée défendue par les deux ministres consiste à remettre sur le marché des surfaces classées G et donc interdites à la location à partir de janvier 2025.

Déjà, une révision du mode de calcul du DPE pour les surfaces inférieures à 40 m² permettrait de « sortir » 140 000 logements des catégories F et G. « Il y a un biais de calcul dans la prise en compte de l’eau chaude sanitaire qui défavorise ces surfaces », selon Guillaume Kasbarian. L’Ademe va donc mettre en ligne, à compter de ce mardi 14 février, un site de correction du DPE détenu par les propriétaires concernés. De même, plusieurs cas d’exception à la règle d’obligation de rénovation seront introduits par amendements gouvernementaux dans la loi copropriétés dégradées lors de son examen au Sénat. A ces 140 000 petites surfaces, les ministres comptent ajouter 200 000 rénovations globales en 2024. Ainsi on éviterait le retrait du marché de 340 000 logements du marché. De quoi fluidifier les parcours. Globalement,

L’offre locative du logement intermédiaire

Autre levier de réanimation du marché locatif avec l’espoir de remettre en mouvement les parcours résidentiels : le logement intermédiaire. Ce dernier est favorisé. D’abord, dans le rachat en bloc d’opérations plantées de promoteurs. Mais aussi, dans l’incitation faite aux maires de l’accepter, en permettant de le comptabiliser, pour une part, dans les obligations communales d’offre de logement social. « Un détournement de la loi SRU », alerte l’ensemble du mouvement HLM.

Le mouvement HLM, justement, sait depuis son congrès de Nantes, en octobre 2023, que l’Etat ne financera pas non plus directement ses investissements, mais se repose sur la Caisse des Dépôts et Consignations pour augmenter les enveloppes de ses prêts, et parallèlement pour abonder une baisse des taux pratiqués, à commencer par celui du Livret A, maintenu à 3% quand les taux bancaires se situent autour de 4,7%. L’Etat a délégué historiquement le soutien à la construction du logement social à la Caisse, et cela continue.

30 000 logements accélérés : des territoires laboratoires démonstrateurs de la simplification

Il faut cependant relancer la production nouvelle de logements, qu’ils soient neufs ou à partir de bâtis existants. Au-delà des mots « chocs », très concrètement, le gouvernement « va annoncer dans les jours qui viennent la liste d’une vingtaine de territoires engagés pour le logement », confirmait lundi matin Guillaume Kasbarian au micro de RTL. Sur plus de soixante candidatures, le ministère devrait sélectionner les territoires à enjeu, et tout d’abord parce qu’ils sont liés aux politiques de création d’emplois : développement d’EPR, accueil d’investissements étrangers, réindustrialisation. « Les dispositifs de boost leur seront réservés, mais on peut construire partout en France », précise Guillaume Kasbarian.

Cette vingtaine de territoires bénéficiera de mesures de franchise du droit commun, que ce soit des PPA, des OIN ou des GOU revisitées, pour regrouper des procédures, raccourcir les délais de concertation, protéger des recours. Dans chaque territoire devraient être choisies des opérations déjà programmées, aux fonciers identifiés, pour les accélérer. A ce compte, il serait possible de livrer « en trois ans », de l’ordre de 1 500 logements par territoire retenu, soit quelque 30 000 logements en tout – et non pas 30 000 logements dans chacun des territoires ce qui voudrait dire 600 000 en trois ans. La formulation a pu être mal comprise.

Au fond, rien de nouveau dans tout cela. C’est la ligne tracée en juin 2023 par Emmanuel Macron qu’avait déjà déclinée le précédent gouvernement. Ainsi, que ce soit dans le domaine de la rénovation, ou dans celui de la simplification, la plupart des dispositifs sont inclus dans la loi consacrée « à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement ». Rien de nouveau, donc. Mais une confirmation de l’ensemble des leviers sur lesquels entend jouer le gouvernement – hors tout soutien financier de l’Etat à la relance de la construction.

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