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L’économie mixte locale, cheville ouvrière de la réindustrialisation de la France ?

Publié le 19 décembre 2023

Comment réussir la réindustrialisation de la France ? C’est une question à laquelle ont répondu les participants à cet atelier. En se penchant plus particulièrement sur les freins, les leviers et le rôle que pourrait jouer l’économie mixte locale dans les projets industriels de territoire.

©Emmanuel Nguyen Ngoc

Une ambition nationale et des réalités locales diverses

Le gouvernement souhaite accélérer la réindustrialisation du pays en déployant une stratégie nationale du foncier industriel et en intensifiant le financement de l’industrie verte. Cependant, l’ambition portée par l’Etat ne peut se suffire à elle-même, l’engagement des territoires apparaît essentiel pour libérer le potentiel industriel.

Comme le démontre l’étude « Refaire de l’industrie un projet de territoire » réalisée par Caroline Granier, cheffe de projet à la Fabrique de l’industrie, dans le cadre de l’Observatoire du programme Territoire d’Industrie, villes et bassins connaissent en la matière des fortunes diverses auxquelles s’ajoute désormais la nécessité de porter une réindustrialisation en phase avec les enjeux de la transition écologique (sobriété foncière et énergétique, décarbonation de l’industrie, préservation de la biodiversité).

De la nécessité de concilier sobriété foncière, décarbonation et réindustrialisation

Le Préfet Rollon Mouchel-Blaisot a rappelé, dans un rapport remis en juin au gouvernement, le besoin estimé pour le développement de l’industrie dans nos territoires à horizon 2030 : 22 000 hectares répartis entre densification, réhabilitation de friches et artificialisation.

Adèle Pass-Lanneau, directrice de projets Réindustrialisation et Réglementation à Direction générale des Entreprises, reconnaît que la problématique du foncier est apparue au premier plan dans le travail mené par Bercy en faveur de la réindustrialisation. Raréfaction du foncier économique, objectif Zéro artificialisation nette, spéculation foncière en font un sujet de préoccupation majeur pour le gouvernement. Il l’est également pour les collectivités, parfois en lien direct avec les industriels en recherche de terrain, comme c’est le cas à Caux Seine Agglomération pour Jean-Marc Vasse, Président de la Spl Caux Seine Développement.

Le risque est de faire de la disponibilité du foncier une priorité en oubliant les besoins des industriels. Dans ses travaux  de terrain, Caroline Granier constate que le foncier mis à disposition ne correspond pas toujours aux attentes des industriels. A son sens, il est donc important d’avoir un dialogue nourri entre les parties prenantes. Pour être utile, le foncier industriel doit être disponible mais également s’inscrire dans un environnement favorable pour l’entreprise (main d’œuvre, formation, logements, mobilité, etc). En ce qui concerne la sobriété foncière, elle rappelle que l’artificialisation des sols est essentiellement due au résidentiel, pour 54 %, contre seulement 2 % pour les activités industrielles.

Face à ces enjeux, Adèle Pass-Lanneau rappelle le dispositif de garantie financière mis en place afin d’éviter la multiplication des friches, pour le traitement de la dépollution du site, et le dispositif de tiers-demandeur (issu de la loi Alur) pour la partie réhabilitation. Le Président de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et député d’Eure-et-Loir, Guillaume Kasbarian, a complété en évoquant les mesures prises par le gouvernement à travers la loi industrie verte chargée d’accélérer les procédures et à la libération du foncier. De même, le dispositif 50 sites clés en main auquel Michel-François Delannoy, directeur du département « Appui aux territoires » de la Banque des Territoires apporte son concours, doit permettre de sortir à court terme du foncier de qualité (infrastructures routières et numériques, sites dépollués et aménagés, main d’œuvre, etc) directement disponible pour les industriels.

Enfin, la mobilisation de ces friches passe nécessairement par une meilleure connaissance. Sur ce point, la Banque des Territoires travaille, avec le Cerema et les intercommunalités, à un outil pour cartographier précisément le foncier économique. Un travail d’autant plus important que les intercommunalités, en vertu de la loi Climat et Résilience du 22 août 2021, doivent d’une part, réduire de moitié leur consommation foncière d’ici à 2030, et réaliser d’autre part un inventaire de leurs zones d’activités économiques (ZAE) au plus tard le 21 août 2024.

L’économie mixte locale pour porter les projets industriels de territoire  

Jean-Marc Vasse, Président de la Spl Caux Seine Développement, a présenté le rôle de son agence de développement économique sur un territoire très industriel. Au service des entreprises et pour le compte de ses collectivités actionnaires, la Spl aménage, gère et anime les espaces économiques en se donnant pour mission de créer un véritable écosystème industriel en phase avec l’objectif de décarbonation de l’industrie. Il a mis en avant la nécessité de prévoir une compensation au foncier industriel, en proposant par exemple aux industriels de verser cet équivalent de surface à renaturer dans une banque de compensation foncière.

Par ailleurs, le Maire de Terres de Caux a rappelé la création par l’agence d’une maison des compétences, en plus d’une maison des entreprises, qui propose aux habitants et professionnels de Caux Seine agglo, un accompagnement dans leurs démarches d’orientation, d’emploi et de formation. Le lien avec les laboratoires de recherche est lui aussi très important afin de consolider la politique d’innovation et la filière professionnelle, sans oublier la diversification économique, notamment dans le tertiaire, afin que les conjoints des salariés du secteur industriel puissent également trouver un emploi.

Les termes de l’objectif de réindustrialisation et les valeurs portées par l’économie mixte semblent donc bien placer les Epl comme des outils de portage foncier performants au service des collectivité. Mieux, elle peuvent être des pilotes capables de porter localement une stratégie globale englobant la mobilisation et la gestion du foncier économique ainsi que l’attractivité des sites industriels (formation, mobilité, logement, compensation carbone, énergie,…).

Cela étant, les sujets de progrès demeurent pour encourager le rôle des aménageurs publics et des agences de développement économique dans la réindustrialisation de la France : développement d’outils de portage foncier de long terme par la coordination Epl et EPF, outils de financement adaptés aux enjeux en développant l’offre de prêts dédiés au portage foncier long terme, faire des zones d’activités économiques (ZAE) des zones prioritaires de la transition énergétique.

Par Tiéfaine CONCAS
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