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Logement : Elisabeth Borne entre soutien à la production et réponses structurelles à la crise

Publié le 24 novembre 2023

La Première ministre ouvre l’acte 2 d’un plan de relance du logement. Elle a présenté, jeudi 16 novembre à Dunkerque, en marge de la signature du contrat territorial pour le logement social et en présence de Patrice Vergriete, ministre du Logement, un nouveau paquet de mesures destinées à relancer la « production rapide » de logements. L’accent sera mis sur le logement intermédiaire, dont le rythme annuel de production doit être doublé progressivement sur trois ans, à travers un investissement conjoint de l’État et de la Caisse des Dépôts de 500 M€. Par ailleurs, 20 territoires « engagés pour le logement » bénéficieront d’aides de l’État pour équilibrer les opérations d’aménagement « prêtes à partir » et mettre en chantier 30 000 logements. Enfin, un nouveau « plan de rachat » des programmes immobiliers en berne est à l’étude dans les services du ministère du Logement et le projet de loi sur les copropriétés dégradées devrait être soumis au Parlement dans les prochaines semaines, contribuant à accélérer le renouvellement de l’offre. Dans le même temps, le gouvernement travaille à des mesures structurelles qui seront intégrées au projet de loi de décentralisation de la politique du logement qui sera présenté au printemps 2024. Une réforme de la fiscalité locative est notamment envisagée ainsi que le renforcement des compétences des AOH (Autorités organisatrices de l’habitat).

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Alors que la production de logements neufs a été divisée par deux en un an à fin septembre, cependant que l’inflation et la hausse des taux d’intérêt atteignent enfin un plateau, que les marges des promoteurs vont devoir se reconstituer sur de nouvelles bases, et alors que le marché locatif se grippe en conséquence de la hausse de valeur des actifs immobiliers, le gouvernement prépare une double réponse à la crise du logement, entre soutien à la production et mesures structurelles.

C’est à Dunkerque, sur les terres de Patrice Vergriete, ministre du Logement, que la Première ministre a annoncé, jeudi 16 novembre, un nouveau paquet de mesures, conjoncturelles et structurelles, visant à relancer la production immobilière tout en répondant aux enjeux prioritaires identifiés par l’exécutif, de la réindustrialisation des territoires à l’accélération de la transition écologique. Matignon précise d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un « plan de soutien aveugle » à la promotion immobilière. Les opérateurs doivent « adapter leur économie de projet à la nouvelle donne », insistent les services de la Première ministre, et « les prix vont devoir s’ajuster immanquablement », y compris dans le cadre de ce plan.

Priorité à la « production rapide » de nouveaux logements

Priorité est donc donnée à la « production rapide » de logements, pour éviter que la machine, fortement grippée, ne se mette à l’arrêt. Les mesures de relance visent plusieurs segments de marché, identifiés comme prioritaires par l’exécutif, de la rénovation des copropriétés dégradées au logement intermédiaire, en passant par le développement d’une offre nouvelle à destination des plus précaires, en particulier les étudiants et les personnes sans domicile.

L’un des enjeux clés, illustré par le déplacement d’Elisabeth Borne à Dunkerque, consiste à construire en urgence des logements dans les territoires en réindustrialisation. La Première ministre a posé ce jeudi la première pierre de la gigafactory Verkor, en présence de Patrice Vergriete, toujours président de la Communauté urbaine de Dunkerque, un territoire propice aux investissements industriels, sur lequel près de 16 000 emplois nouveaux doivent être créés dans les prochaines années.

Sélection de 20 territoires « engagés pour le logement »

Le resserrement des efforts de construction sur les territoires en tension a déjà été amorcé avec la révision, début octobre, du zonage national ABC, qui a profité à 154 communes désormais classées A ou B1, et la Première ministre a annoncé ce jeudi à Dunkerque qu’une deuxième extension de ce zonage sera lancée dans les prochaines semaines. Dans le même esprit, l’exécutif annonce la sélection rapide de 20 territoires d’accélération « engagés pour le logement », où 30 000 logements doivent être mis en chantier dans les 3 prochaines années.

Ce sont les préfets qui seront chargés, en lien avec les collectivités, de repérer les grandes opérations d’aménagement qui peuvent être « accélérées » et qui les feront remonter au ministère. Celui-ci tranchera ensuite au regard des priorités, des enjeux et, surtout, des capacités d’accélération des projets. Pour être retenus, ceux-ci doivent en effet être « prêts à partir » et Matignon précise que, dans un souci d’efficacité, les territoires engagés dans des procédures de type PPA (Projet partenarial d’aménagement) ou OIN (Opération d’intérêt national) seront privilégiés.

L’État devrait contribuer à rééquilibrer financièrement ces opérations, sur la partie aménagement, avec une enveloppe dédiée qui sera « calibrée en fonction des besoins recensés ». Une production d’environ 1 500 logements est attendue sur chaque site – social, intermédiaire, libre, accession à la propriété et, dans les territoires qui en ont besoin, pensions de famille et résidences étudiantes – avec des permis de construire déposés dès 2024 et, au plus tard, en 2026.

Doubler en trois ans le rythme de production de LLI

Deuxième levier, l’accélération de la production de logements intermédiaires, là encore dans les territoires en tension, qu’il s’agisse de métropoles, de territoires en réindustrialisation ou de communes littorales. Alors que la production annuelle de LLI représente l’équivalent de 15 000 logements, soit environ 10% de la production des promoteurs, le gouvernement souhaite doubler ce niveau dans les trois prochaines années. Le logement intermédiaire, explique Matignon, constitue une alternative à l’investissement locatif des particuliers, de type Pinel, mais sous une forme institutionnelle, gérée, qui autorise une capacité de pilotage renforcée et des produits plus diversifiés.

Plusieurs mesures doivent permettre d’accroître la part du LLI dans l’offre globale, par exemple à travers un soutien à la production en acquisition-amélioration, inscrite dans le projet de loi de Finances pour 2024. Cette remise à niveau de l’existant ciblera les immeubles vétustes, identifiés comme passoires thermiques, et permettra de concilier les objectifs environnementaux, productifs et sociaux, en créant des résidences intermédiaires à destination des personnes âgées, des étudiants et des jeunes actifs.

Matignon estime le besoin d’investissement à environ 1 Md€ pour doubler la production de LLI d’ici 3 ans et atteindre un rythme de croisière d’environ 30 000 logements par an. Pour y parvenir, le gouvernement va renforcer les moyens de la SLI (Société pour le logement intermédiaire, détenue par l’Agence des participations de l’État) à hauteur de 250 M€, et annonce que la Caisse des Dépôts investira une somme équivalente à travers l’ensemble de ses structures. Les services de la Première ministre précisent que les investisseurs institutionnels, notamment les compagnies d’assurance, sont également sollicités pour boucler le tour de table et mobiliser le milliard nécessaire au doublement de la production de LLI.

Le gouvernement cible les publics les plus précaires

Autre cible prioritaire, les étudiants, avec un objectif affiché de « 35 000 logements supplémentaires » d’ici 3 ans. Un plan interministériel pour le logement étudiant sera présenté dans les prochains jours, qui détaillera les modalités de production de cette nouvelle offre en résidence sociale et en résidence intermédiaire, et un délégué interministériel au logement étudiant doit être nommé pour mettre en œuvre cette feuille de route et, notamment, mobiliser le foncier public susceptible de répondre aux besoins.

Matignon précise, par ailleurs, que cette offre nouvelle de logement étudiant sera financée sur les enveloppes globales du logement social et du logement locatif intermédiaire. En l’état, il est donc difficile de juger du volume net de logements supplémentaires qui seront effectivement produits, toutes catégories confondues, les chiffres annoncés par l’exécutif – LLI, territoires engagés pour le logement, logements étudiants… – ne s’additionnant pas stricto sensu les uns aux autres.

Le projet de loi sur les copropriétés dégradées devant le Conseil d’État

Autre levier de « production » mobilisé par le gouvernement, la réhabilitation des copropriétés dégradées. Le projet de loi sur la rénovation des copropriétés et l’habitat dégradé vient de partir au Conseil d’État et sera mis à l’ordre du jour du Parlement dans les prochaines semaines. Ce texte reprend un certain nombre des préconisations formulées par Mathieu Hanotin et Michèle Lutz dans leur récent rapport sur la lutte contre l’habitat indigne ainsi que des mesures réclamées par les acteurs du PIC (Plan initiative copropriétés) lancé en 2018.

Ce plan, indique Matignon, a impulsé une bonne dynamique mais est confronté à des difficultés opérationnelles, dans la capacité à aller au bout des dossiers et des projets. Il faut être capable d’exproprier quand on est face à une situation d’inaction de la part des copropriétaires, en dépit de l’accompagnement et des financements qui sont fournis, argumentent les services de la Première ministre. Le projet de loi doit fournir les outils « pour aller au bout et plus vite » et sera couplé à des mesures réglementaires et financières qui seront annoncées en janvier 2024.

Un deuxième plan de rachat des programmes immobiliers à l’étude

Enfin, un deuxième « plan de rachat » est à l’étude au ministère du Logement pour débloquer les programmes immobiliers en berne, sans que, pour l’heure, des objectifs chiffrés aient été fixés. Ce plan, qui sera mis en œuvre dans les prochaines semaines et les prochains mois, s’ajoutera au premier plan de rachat de 47 000 logements annoncé en juin, avec 17 000 logements acquis par CDC Habitat et 30 000 par Action Logement. Cette fois, d’autres opérateurs seront sollicités, notamment les grands groupes de logement social, hors Action Logement, et les gestionnaires d’assurance retraite.

Ces mesures conjoncturelles seront complétées par des mesures plus structurelles, notamment dans le cadre du projet de loi de décentralisation de la politique du logement qui sera présenté au printemps 2024. Certaines d’entre elles, notamment la possibilité d’exercer un droit de préemption urbain « en contestation de prix », ont déjà filtré et Matignon indique que plusieurs autres sont à l’étude. Une mission sur la fiscalité locative vient d’être confiée à deux parlementaires, Annaïg Le Meur, autrice d’une proposition de loi sur le sujet, et Marina Ferrari, pour mieux lutter contre la multiplication des résidences secondaires, en particulier dans les territoires littoraux. Ses conclusions sont attendues au premier trimestre 2024.

Reconstruire la ville sur la ville

Mais la première priorité, rappelée ce jeudi par Elisabeth Borne, est de reconstruire la ville sur la ville et ainsi, de concilier la production de logements avec les exigences de sobriété foncière. Alors que la publication de quatre décrets ZAN est imminente, la Première ministre a insisté sur la nécessité de transformer l’existant. Recyclage des friches, mobilisation du parc vacant, transformation de bureaux en logements, densification douce pavillonnaire… La future loi Logement devrait permettre de mieux adapter l’urbanisme et l’habitat à la sobriété foncière. Elle doit également clarifier les compétences des collectivités et promouvoir la création d’autorités organisatrices de l’habitat qui auront tous les leviers en main pour développer des politiques mieux territorialisées.

En attendant, Patrice Vergriete a engagé le processus de territorialisation du pacte d’engagement signé avec les bailleurs sociaux lors du congrès HLM du 5 octobre dernier, qui prévoit la mobilisation de 1,2 Md€ pour la rénovation du parc social ainsi que 8 Md€ de prêts bonifiés de la CDC pour la production de logements sociaux. Une première convention a été signée la semaine dernière à Dijon et la deuxième vient de l’être à Dunkerque ce jeudi.

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Par Cadre de Ville
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