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Quelles sont les conséquences pour les locataires du parc HLM de la hausse des prix du gaz ?

Publié le 22 novembre 2022

La FedEpl se mobilise au coté de l’USH et des autres fédérations de bailleurs sociaux pour alerter le gouvernement quant à la mise en oeuvre du bouclier tarifaire pour le chauffage collectif des logements sociaux.

(Photo Pixabay)

La Fédération des élus des Entreprises publiques locales a participé, au côté de l’Union sociale pour l’habitat (USH) et des autres fédérations d’organismes de logement sociaux sur les conséquences de la mise en place du bouclier tarifaire en matière d’énergie gaz et électricité, en particulier dans un contexte actuel de forte augmentation des prix de marché. Le bouclier tarifaire pour les logements individuels a un effet immédiat en limitant finalement la hausse à 15 %, l’aide prévue pour le collectif nécessitant un délai pour son reversement (mesure corrective).

Bouclier tarifaire, au tour des logements collectifs

En pratique, le bouclier tarifaire, dans sa première configuration, a été mis en place par un décret du 23 octobre 2021, pour bloquer les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) à leur niveau d’octobre 2021. La loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021 s’est ensuite chargée de mettre en place les mesures d’accompagnement des opérateurs (confrontés à la hausse de leurs prix d’achat du gaz), via ses articles 29 (volet fiscal) et 181 (volet tarifaire). La période de blocage tarifaire va du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, mais peut être étendue par un simple arrêté – en fonction de l’évolution de la situation – entre le 30 avril et le 31 décembre 2022. Les bénéficiaires de cette première « vague » du bouclier tarifaire depuis novembre dernier sont les particuliers et les petites copropriétés (consommant moins de 150 MWh/an) ayant un contrat direct de fourniture de gaz naturel.

Le décret du 9 avril 2022 met en place la mesure d’extension du bouclier tarifaire annoncée par Jean Castex le 16 février. La nouvelle disposition vise cette fois-ci les logements alimentés par un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant du gaz naturel. Sont notamment concernés les logements situés dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation soumis au statut de la copropriété, ceux situés dans un immeuble à usage total ou partiel d’habitation géré par un organisme HLM ou une Sem, mais aussi les résidences sociales et les structures d’hébergement d’urgence et d’insertion, les logements foyers, les résidences universitaires et les résidences services, les structures d’hébergement pour demandeurs d’asile… Il peut également s’agir d’une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur.

Un mécanisme complexe

L’aide individuelle prévue par le bouclier tarifaire n’est pas versée directement aux ménages. Elle l’est « par l’intermédiaire des entreprises fournissant du gaz naturel titulaires de l’autorisation de fourniture prévue à l’article L.443-2 du Code de l’énergie, des exploitants d’installations de chauffage collectif ou des gestionnaires de réseaux de chaleur urbains ». Il appartient à ces entreprises de présenter une demande, pour le compte et au bénéfice des personnes physiques concernées, puis de reverser les sommes perçues, toujours au titre et pour le bénéfice de ces mêmes personnes physiques, aux gestionnaires des logements concernés qui acquittent les factures de chauffage : organismes HLM, Sem, syndicats de copropriétaires représentés par leur syndic, propriétaires uniques d’un immeuble collectif à usage total ou partiel d’habitation, associations syndicales de copropriétaires… L’aide peut également être versée, directement et individuellement, aux résidents à titre principal ou secondaire d’une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur. Finalement et selon les termes d’un communiqué du ministère de la Transition écologique en date du 12 avril, les ménages concernés par cette extension bénéficient, comme les autres, « d’une aide visant à ramener le prix du gaz acquitté pour la saison de chauffe 2021-2022 au tarif réglementé du mois d’octobre 2021 ». Point important : comme pour la première version du bouclier tarifaire, son extension s’applique, de manière rétroactive, à compter du 1er novembre 2021.

Le décret du 9 avril, qui compte une dizaine de pages au Journal officiel, précise ensuite les modalités de mise en œuvre du dispositif. Ainsi, les fournisseurs d’énergie pourront déposer une première demande d’aide, couvrant les mois de novembre 2021 à février 2022, avant le 1er mai (ce qui semble peu réaliste au regard de la date de parution du décret), « ou à défaut au plus tard avant le 1er juin si l’échéance du 1er mai ne peut être tenue ». Une seconde demande, intégrale ou complémentaire et couvrant les mois de novembre 2021 à juin 2022 (déduction faite de la première aide déjà demandée le cas échéant), pourra être déposée avant le 1er octobre 2022. L’État s’engage à verser l’aide aux fournisseurs dans les 30 jours suivant la demande, via l’Agence de services et de paiement. Les fournisseurs devront ensuite la reverser intégralement à leurs clients « au plus tard 30 jours après l’avoir reçue ».

Le décret décline également, pour chaque cas de figure, les modalités de calcul du montant de l’aide, passablement complexes. Cette complexité, et la concertation avec les différents acteurs concernés, expliquent les deux mois de délais entre l’annonce de l’extension par le Premier ministre et sa mise en œuvre à travers le décret du 9 avril.

https://www.cre.fr/Actualites/publication-des-baremes-applicables-pour-les-tarifs-reglementes-de-vente-de-gaz-naturel-d-engie-octobre-2022

https://www.ecologie.gouv.fr/faq-aide-en-faveur-lhabitat-collectif-residentiel-gestionnaires-organismes

Une évolution inquiétante

L’inquiétude monte chez les organismes de logement social confrontés à la hausse des prix de l’énergie, alors que les décrets relatifs à la prolongation des boucliers tarifaires en 2023 sont attendus, les inquiétudes résident surtout du fait de l’augmentation des marchés infructueux pour l’achat d’énergie. Il faut noter la parution, le 15 novembre 2022, du décret prolongeant le bouclier tarifaire sur le gaz en habitat collectif jusqu’au 31 décembre 2022.

Un bouclier « partiel », puisqu’il ne couvre pas 100 % de la dépense sur le gaz à partir d’un certain niveau », et créée une forme d’iniquité entre les occupants de logements individuels, éligibles aux tarifs réglementés de vente, et ceux qui occupent un logement collectif où le bouclier tarifaire ne couvre que partiellement les hausses de prix.

Pour mémoire, le renouvellement d’un contrat de fourniture de gaz, en juillet fait passer 50 euros par MWh à 200 €/MWh (contrat à prix fixe) et une aide résultant de l’application du bouclier de 94 € MWh et un reste à payer de 106 €/MWh. Il faut noter que l’aide mensuelle est réévaluée chaque mois au regard des évolutions du tarif réglementé de vente de gaz publié par Engie, si ce dernier n’avait pas été gelé.

Avec comme conséquence une fluctuation des prix qui diffère d’un mois à l’autre, et la difficulté de communiquer vis-à-vis des locataires en collectif pourquoi ils sont mieux aidés un mois plutôt qu’un autre quand la voisine d’en face [en individuel] bénéficie d’un bouclier intégral. Les bailleurs restent seuls face aux énergéticiens lors du renouvellement des contrats de fourniture d’énergie, et l’on constate un accroissement d’appels d’offres infructueux avec des opérateurs qui ne répondent de moins en moins.

En cas de défaillance du fournisseur d’énergie, il est prévu qu’un autre fournisseur puisse reprendre le marché en cours. En revanche, la réglementation ne prévoit pas une solution de dernier recours si aucun opérateur ne répond à un appel d’offres. Le risque de disponibilité qui pèse sur les fournisseurs peut se transférer en un risque défaut chez le bailleur. Pour éviter le blocage d’approvisionnement, les organismes de logement social n’ont de choix que d’accepter les nouvelles exigences des énergéticiens. Ces derniers ont pourtant signé le 5 octobre, une charte des bonnes pratiques les engageant notamment à proposer des offres « crédibles » à leurs clients et à proposer des facilités de paiement aux entreprises et aux collectivités.

Dans les faits, la révision des contrats en cours par les fournisseurs d’énergie se fait surtout à travers des demandes de délais de paiement beaucoup plus courts sans clause de retour à meilleure fortune en cas de baisse des prix dans le cas de contrats à prix fixes. Les contrats de bailleurs évoluent plus en plus vers des contrats à prix indexés, parce que les énergéticiens leur demandent d’accepter cette condition pour répondre aux appels d’offres.

L’impact financier de la hausse des coûts de l’énergie est difficilement quantifiable, d’autant que chaque organisme dispose de plusieurs contrats pour alimenter son patrimoine en énergie. Une multiplication par 10 par rapport aux tarifs de la période précédente conduira à une progression très importante des dépenses annuelles de fonctionnement pour les bailleurs qui réduire d’autant leur capacité d’autofinancement et le niveau des fonds propres à consacrer à la rénovation énergétique des logements.

Afin de pouvoir faire remonter les cas d’espèces vécu récemment par les Sem immobilière agréées comme bailleurs sociaux, la FedEpl se tient à la disposition des Sem immobilière souhaitant faire part de leur retour d’expérience sur le sujet.

Par Philippe CLEMANDOT
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