menu

Epl départementales : une nouvelle vie possible après la loi NOTRe

Publié le 5 janvier 2018

Attentistes les Epl départementales face aux conséquences de la loi NOTRe ? Pas vraiment. Elles ont su évoluer en optant pour des solutions adaptées à chaque cas. Avec toujours la volonté de s’adapter à la nouvelle donne territoriale et en intégrant la montée en puissance des intercommunalités.

Texte important de la réforme territoriale du précédent quinquennat qui redéfinit la répartition des compétences entre collectivités, la loi portant nouvelle organisation de la République (NOTRe) du 7 août 2015 a des incidences fortes sur l’architecture institutionnelle. Les compétences départementales en matière de transports ou de développement économique ont été transférées aux régions, le tourisme demeurant finalement une responsabilité partagée à l’issue de discussions parlementaires souvent enflammées.

De nouvelles règles du jeu pour les Epl départementales

Parmi les acteurs impactés par cette redistribution des cartes : les Epl départementales. Sur les 297 existantes, 140 ont pour premier actionnaire public le conseil départemental, principalement en matière d’aménagement ou de développement économique. La loi NOTRe leur impose de nouvelles règles du jeu. Tout n’est pas d’une clarté limpide, notamment avec le chef de filat « solidarités territoriales » qui s’apparente parfois à du développement économique.

Néanmoins, l’article 133 de la loi (7e alinéa) permet au département de rester dans le capital d’Epl existantes au moment de la publication de la loi, mais cela à titre minoritaire, lorsque son objet social porte sur une compétence que ne possède plus le département. Un changement de taille.

« D’une contrainte, nous sommes parvenus à en faire une opportunité », lance André Barbon, le directeur de Teractem, Sem d’aménagement du département de la Haute-Savoie. La formule peut surprendre mais prouve la capacité d’adaptation des Epl départementales.

Un certain flou juridique

Malgré un certain flou juridique, les Epl n’en ont pas profité pour jouer l’attentisme. Elles ont mis en place des réponses adaptées selon les situations propres à chaque territoire. « Avant même l’adoption de la loi NOTRe, nous avons tout mis sur la table en nous faisant aider par la Fédération des Epl et plusieurs juristes, poursuit le directeur. Face à la rédaction de l’article 133 de la loi, nous restions un peu dubitatifs même si nous ne faisions pas du développement économique en tant que tel ». Même questionnement pour la Sem Vendée Expansion. « Nous nous sommes interrogés sur ce qui relevait ou pas du développement économique dans nos activités », se souvient Éric Guilloux, son directeur général.

Conserver son actionnariat et redéployer son activité…

Pour cette Sem d’aménagement, qui fonctionne en « multi-compétences », le résultat a été de modifier son périmètre comme son objet social. « Nous avons continué à faire de l’aménagement de zones d’activités mais arrêté de mener des actions de développement économique en sortant du circuit des aides », détaille le dirigeant.

Dans sa nouvelle stratégie, Vendée Expansion mise beaucoup sur le tourisme qui représente à présent 50 % de son chiffre d’affaires. « Nous jouons à fond la carte d’un département très touristique », argumente Eric Guilloux. Au final, l’actionnariat de la Sem n’a pas bougé, avec une participation toujours majoritaire du conseil départemental. Preuve que tout est dans les clous, le nouvel objet social de la Sem a été acté par la Chambre régionale des comptes.

Concernant la gestion des personnels, « cela a été douloureux et mal vécu au sein de la Sem », reconnaît Eric Guilloux. Sur la dizaine de personnes dédiées au développement économique, 3 ont dû être licenciées, les autres ayant pu être reclassées en interne, notamment dans la Spl.

… ou conforter sa stratégie et faire évoluer son actionnariat

« La loi NOTRe a finalement été positive en nous amenant à nous poser la question de l’utilité et de la finalité de Teractem, explique André Barbon. Nous avons discuté avec la Région, qui n’a pas été demandeuse d’intégrer la Sem, et les intercommunalités ». En pratique, le Département a réuni début 2015 l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ont tous exprimé une forte attente à l’égard de cet opérateur.

« La volonté des élus a donc été de transformer une Sem départementale en une Sem de collectivités départementales« , indique André Barbon. Conséquence : la décision du département de descendre dans le capital à 33 % (59,29 % auparavant) et de vendre ses actions principalement aux EPCI. « La Haute-Savoie n’a pas voulu en faire une affaire financière. La vente s’est ainsi faite juste à la valeur nominale de 21 euros l’action. Cela aurait pu être beaucoup plus sachant que d’après nos actifs, la valorisation estimée avoisine 60 euros », explique le directeur général de la Sem. Ensuite, plus d’une année a été nécessaire pour que les 41 actionnaires publics adoptent les délibérations nécessaires.

Pour ne faire l’impasse sur personne dans la gouvernance, une assemblée des petits actionnaires a été constituée à côté du conseil d’administration. Elle dispose de 4 représentants au sein de ce conseil, ce qui leur confère un réel pouvoir. « La stratégie de la Sem reste identique mais avec un ancrage territorial renforcé grâce à cette réorganisation du capital et de la gouvernance », se réjouit André Barbon.

Autre cas de figure de Sem départementale avec Tandem qui est une Sem d’immobilier d’entreprise créée en 1988 à l’initiative du département du Territoire de Belfort et de la ville de Belfort. « Notre stratégie d’être un outil de développement économique au service du territoire n’a pas changé, explique Pierre-Étienne Perol, son directeur. Nous continuons de faciliter l’implantation d’entreprises. En revanche, ce sont les projets qui ont changé en développant de nouveaux produits pour nos clients tertiaires. »

Pour s’adapter néanmoins à la loi NOTRe, la Sem a modifié son capital : le département a vendu les deux tiers de ses parts à la communauté d’agglomération du Grand Belfort, devenue ainsi l’actionnaire majoritaire (cf. fiches annexes). « Dans un petit territoire comme le nôtre avec une forte proximité entre les acteurs, cela se passe de façon fluide et intelligente, explique le directeur. Une grande confiance des élus existe sur l’outil Sem, d’autant que nous avons su montrer qu’il est évolutif ». La vente des parts du département au Grand Belfort s’est déroulée sans problème, à la valeur nominale. « L’intérêt de l’outil économique a primé », salue le directeur de Tandem. Avec un règlement programmé sur plusieurs tranches.

Tout s’est fait rapidement. Les délibérations des collectivités concernées par des rachats ont eu lieu courant 2016, et en janvier 2017 toutes les cessions d’actions étaient réalisées. « Nous en avons profité pour faire un deux en un, en augmentant aussi notre capital compte tenu de notre besoin récurrent de fonds propres avec une présence renforcée de la région Bourgogne-Franche-Comté », indique le directeur de Tandem.

Une recomposition pouvant aller jusqu’à la fusion d’Epl départementales

Les conséquences induites par la loi NOTRe peuvent parfois aller jusqu’à la fusion d’Epl. C’est la stratégie qui a été retenue par la Société d’équipement du département du Doubs (SedD). « Les effets de la loi conjugués à la baisse importante des moyens financiers des collectivités ont entrainé la baisse de notre chiffre d’affaires. Cela nous a fait réfléchir sur la diversification de nos activités« , explique son président, Vincent Fuster. Résultat ? « Un nouveau plan stratégique pour diversifier nos métiers, s’adresser davantage au secteur privé et renforcer notre présence sur les territoires voisins. »

Cette stratégie s’est traduite par des contacts pris avec de nombreuses Epl en allant jusqu’à Mulhouse avec la Sem Citivia. Une rencontre qui a abouti à une charte de partenariat entre les 2 Sem permettant des réponses communes à des appels d’offres plus importants.

Les différents schémas de réorganisation

1. Cession d’une partie des actions du département (cf. annexes : exemples de Teractem et Tandem) :la cession d’actions peut être l’occasion de faire rentrer ou de renforcer la présence du conseil régional dans le capital,- la cession peut faire entrer l’ensemble des intercommunalités d’un département pour renforcer l’ancrage territorial. Teractem évoque le schéma d’une « Sem de collectivités départementales » et petites communes). Ce dernier cas concerne plus des Sem d’aménagement proposant des services aux collectivités,- la cession d’actions peut se faire simplement au bénéfice d’une agglomération.

2. Actionnariat inchangé mais avec une modification de l’objet social. Exemple de Vendée Expansion.

3. Fusion d’Epl départementales avec pour objectif le développement de synergies opérationnelles et la mutualisation des compétences et des moyens. Exemple de la Sem Sedia qui intervient dans le Doubs, le Jura et la Haute-Saône.

Autre illustration de cette démarche : une réflexion commune avec la Société comtoise d’aménagement et de développement (Socad). « Durant un an, nous avons élaboré ensemble 4 scénarios possibles et, au final, c’est celui de la fusion qui l’a emporté », détaille Vincent Fuster. Alors que dans la SedD, le département du Doubs représentait 15 % du capital, ceux du Jura et de la Haute-Saône étaient majoritaires dans celui de la Socad. L’intérêt de cette fusion ? « Mutualiser et diversifier nos activités sur davantage de territoires », répond le PDG de Sedia, la nouvelle Sem officiellement créée le 7 novembre dernier. Elle vise à mettre en place une synergie opérationnelle, une mutualisation des compétences et des moyens afin d’asseoir sa position face à une concurrence privée forte.

Lire aussi : Les Sem SedD et Socad fusionnent

Sedia illustre bien la recomposition territoriale en cours et témoigne d’Epl pro-actives dans les choix effectués au service d’une stratégie politique. Elle prépare son nouveau plan stratégique 2018-2021 et envisage d’ici 2 ans d’augmenter son capital, avec l’arrivée de la région ou des communautés d’agglomération et de communes. « Notre activité se concentrera toujours beaucoup sur le secteur public, y compris le secteur hospitalier, car c’est notre ADN. Mais nous continuerons aussi de nous développer sur le secteur privé », conclut Vincent Fuster.

Dans tous les cas, adapter les offres à des intercommunalités agrandies

Parmi les autres conséquences de la loi NOTRe : une nouvelle carte intercommunale avec des regroupements importants et des compétences supplémentaires. Un atout pour Teractem avec une présence renforcée des intercommunalités dans son capital qui lui permet plus de proximité avec les territoires. Même sentiment pour Sedia mais pour des raisons différentes. « L’accompagnement d’intercommunalités agrandies avec des vraies capacités d’investissements, plus importantes que celles des autres collectivités, constitue probablement notre principal gisement d’activités dans les prochaines années », estime ainsi Vincent Fuster. Il pense surtout aux communautés de communes qui ont changé d’échelle en atteignant souvent 30 000 habitants.

Pour Vendée Expansion, cette nouvelle donne a constitué, dans un premier temps, une source d’inquiétude. « Cela signifie moins d’activités pour nous », constate Éric Guilloux. D’où l’importance de savoir s’adapter et d’offrir de nouvelles prestations, construites dans son cas autour du tourisme. « Nous proposons aux intercommunalités des études de stratégie de promotion du territoire, explique-t-il. Notre savoir-faire est de leur faire utiliser la marque Vendée à bon escient tout en valorisant leurs spécificités propres. »

Accédez aux fiches détaillées

Par Philippe POTTIéE-SPERRY
Top