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Club des juristes : le renouveau du droit de la commande publique ?

Publié le 20 octobre 2016

À l’occasion de son congrès annuel réuni à Marseille, la FedEpl a accueilli plus de 80 personnes à son club des juristes. Des échanges riches autour d’un sujet toujours aussi pointu.

Placé sous le signe de la commande publique, le club des juristes au Congrès de 2016 a ainsi pu tirer ses premières conclusions quelques mois à peine après la fin de la transposition par les autorités françaises des directives "marchés publics" et "contrats de concession" de février 2014.

Face à l'ampleur des textes adoptés – à savoir l'ordonnance "marchés" de juillet 2015 et l'ordonnance "concessions" de janvier 2016, le choix avait été fait de se concentrer sur trois sujet précis avant de revenir avec Jean Maïa, directeur des affaires juridiques de Bercy sur les grands principes de cette nouvelle réforme de la commande publique.

Vers la concession « multi-objets » avec sous sans service publicSimone Majerowicz est revenue sur le récent arrêt « QPark » du Conseil d'État du 21 septembre 2016 (cf. CE, Soc. Q-Park, Indigo Infra et SAGS c./ CU du Grand Dijon, req. n° 399656).

Par cette décision, le Conseil d'État ouvre la voie aux contrats de concession "multi-objets" dès lors que les services ainsi regroupés dans un seul et même contrat présentent un lien ou une complémentarité entre eux. À cette révolution conceptuelle, il convient d'ajouter que le champ opérationnel des concessions s'est considérablement étendu avec l'ordonnance n°2016-65 puisque peuvent être concédés des services sans qu'ils soient nécessairement des services publics.

La FedEpl travaille d'ores et déjà aux développements induits par ce nouvel état du droit et de la jurisprudence. Ce sujet sera à l'ordre du jour du prochain club des juristes, au siège de la fédération.

La notion élargie de marché publics de travauxRégine Rechignac, responsable de la commande publique et privée à la SCET a ainsi rappelé que la notion de marché de travaux a été sensiblement modifiée suite à la transposition des directives de 2014.

Désormais, les marchés de travaux passés par des acheteurs publics (qui ne sont pas uniquement des personnes morales de droit public puisque cette notion englobe a priori les Epl) ou par des tiers sont des marchés publics de travaux, non pas en raison de la maîtrise d'ouvrage mise en œuvre ni de la propriété des immeubles, mais au regard de l'initiative du projet, de la nature des prescriptions incluses dans le contrat et des modalités de financement dudit projet. Si la patte d'un acheteur public se retrouve dans une ou plusieurs de ses composantes, le marché sera considéré comme un marché public de travaux. La vigilance est donc de mise.Quel régime transitoire pour les marchés complémentaires : de deux maux choisir le moindre ?Laurent Sery, avocat associé au cabinet Adamas a soulevé le délicat problème posé par les marchés complémentaires à des marchés signés avec le 1er avril 2016, mais eux-mêmes passés après cette date. En effet, sur cette question, il existe un vide juridique puisque d'une part tout marché postérieur au 1er avril 2016 ne peut se prévaloir ni du code des marchés publics ni de l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, mais que d'autre part les marchés antérieurs à cette date peuvent valablement fonder, sur la base du droit antérieur, la possibilité de recourir à des marchés complémentaires.

Si la conciliation entre ces impératifs juridiques apparaît plus que sensible voire impossible, Me Sery propose une solution originale qui, sans suivre la lettre stricte de l'ordonnance "marchés" de 2015 et de son décret d'application, suggère de concilier les exigences de l'article 139 de ce dernier avec celles de l'article 20 du Code des marchés publics (ou son équivalent dans l'ordonnance n°2005-649). De deux maux, il faut choisir le moindre.

Que retenir de la réforme selon la DAJ de Bercy ?Jean Maïa, venu spécialement pour l'occasion a échangé avec les participants. Il en a également profité pour rappeler que la nouvelle législation communautaire en matière de concessions, bien distincte du corpus applicable aux marchés publics, a également assoupli et étendu le recours aux concessions.

Cette réforme visait entre autres à favoriser un meilleur usage stratégique de la commande publique, clarifier la frontière entre droit domanial et droit de la commande, élargir la palette des outils contractuels à la disposition des acheteurs publics (contrats globaux, marchés de partenariat, etc.) et des candidats (groupement d'opérateurs, profil d'acheteur, etc.).

Les nouveaux textes ont également réaffirmé le statut du in house, ou "quasi-régie". À cette occasion, Jean Maïa a pu renouveler les recommandations de la DAJ éditées en mai dernier qui, à l'instar des préconisations validées le conseil d'administration de la FedEpl du 31 mars 2016, indiquent que les Sem ne sauraient se prévaloir de l'exception « in house » même sous l'empire des nouvelles ordonnances.

Par ailleurs, l'ordonnance "marchés" devrait être ratifiée à l'occasion du projet de loi Sapin 2, en cours d'examen parlementaire. Les débats laissent toutefois à penser que le Parlement pourrait revenir sur la possibilité des offres variables et les modalités de détermination des offres anormalement basses (OAB). Affaire à suivre.

Enfin, le sujet de la commande publique reste sous les feux de l'actualité puisque la prochaine étape sera la codification de ce corpus, travail déjà entamé par la commission nationale de codification au début du mois d'octobre 2016. Rien n'arrête le droit de la commande publique : de nouveaux développements sont à prévoir dans un futur proche.

Concernant les marchés, la Fédération des Epl finalise actuellement un guide pratique à l'intention de ses adhérents. Un beau cadeau de noël en perspective !

Photo : ©stlaure@gmail.com 

Par Alexandre VIGOUREUX
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