Du décret-loi Poincarré de 1926 à la loi de 1983 relative aux Sem

L’économie mixte locale comme force d’appoint pour accélérer la reconstruction du pays et l’aménagement du territoire

D’inspiration européenne, les premières formes d’économie mixte apparaissent en France avec les Stadtwerke créées en 1912 et en 1914 par des municipalités d’Alsace-Lorraine, réintégrées à la France en 1918. Mais ce n’est qu’en 1926, dans le contexte de l’après-guerre, que le décret-loi Poincaré du 5 novembre autorise les communes françaises à souscrire au capital de Sociétés d’économie mixte pour bâtir des logements sociaux et exploiter des services publics.

La deuxième vague de création de Sem aura lieu après la seconde guerre mondiale, avec la loi tendant à l’établissement, au financement et à l’exécution de plans d’équipement et de développement des territoires d’Outre-mer (1946), le Plan Monnet (1947-1953) et surtout le décret Bloch-Lainé (1955) qui ouvre aux Sem le champ de l’aménagement du territoire et autorise les départements à entrer à leur capital.

Les besoins en termes de reconstruction, d’aménagement du territoire et de politique urbaine sont si conséquents que l’Etat demande du renfort aux collectivités et à leurs Sem, tout en continuant à contrôler étroitement ces dernières. L’économie mixte vit des heures de prospérité.

L’économie mixte pour accompagner la mise en œuvre des nouvelles compétences décentralisées des collectivités locales

La politique de décentralisation portée à partir de mai 1981 engage un deuxième temps pour l’économie mixte, matérialisé par l’acte I de la décentralisation le 2 mars 1982 et la loi du 4 juillet 1983 relative aux Sociétés d’économie mixte locales.

Les Sem sont consacrées en tant « qu’outils privilégiés des collectivités locales », désormais nécessairement majoritaires au capital et qui se voient chargées de l’essentiel des pouvoirs en matière de construction de logement, d’aménagement, de développement économique, mais aussi d’exploitation de services publics à caractère industriel. Aucun champ de compétences des collectivités ne leur est étranger : culture, transports, environnement, communication, eau, en métropole comme dans les Outre-mer.

Le mouvement devient incontournable en France comme, sous d’autres formes, partout ailleurs en Europe. Le nombre de Sem s’accroît significativement.

A partir des années 2000

La diversité de la gamme des Entreprises publiques locales pour la modernisation et l’optimisation de l’action publique territoriale

A partir des années 2000 s’ouvre un troisième temps pour l’économie mixte locale. Les décisions de différentes juridictions d’introduire les règles de la concurrence dans les relations contractuelles des personnes publiques avec les Sem, et celle de la Cour de justice des communautés européennes en 2005 de soumettre à des obligations de publicité et de mise en concurrence les marchés passés par des collectivités locales avec des Sem, contraignent le législateur à développer d’autres formes d’économie mixte.

La Société publique locale (Spl) d’aménagement, selon un modèle tiré d’exemples européens et soutenu par la Fédération des Sem (aujourd’hui Fédération des élus des Entreprises publiques locales) est créée à titre expérimental en 2006, avant d’être confirmée et étendue en 2010 à toutes les missions d’intérêt général. Sous l’impulsion de la FedEpl, la Société d’économie mixte à Opération unique (SemOp) naît en 2014 en s’inscrivant dans le processus de modernisation de l’action publique et de ses réformes successives initié à la fin des années 2000. Le recours aux Entreprises publiques locales (Epl), sous forme de Sem, de Spl ou de SemOp, se systématise, s’accélère et accompagne la montée en puissance des collectivités territoriales dans la gestion des services publics locaux, en particulier dans le domaine de la transition environnementale.

Histoire des Epl, les dates clés

1895

Apparition en Alsace Moselle de sociétés communales de droit allemand, les « Stadtwerke ».

1926

Vote des décrets-lois Poincaré qui officialise les Sem permettant aux communes de détenir jusqu’à 40% de leur capital.

1946

La seconde grande vague de création de Sem – grande loi de reconstruction du 28 octobre 1946 puis «Plan Monnet 1947-1953».

1955

Le décret Bloch-Lainé ouvre aux Sem le champ de l’aménagement du territoire et porte la participation maximale des collectivités locales à 65% du capital. Une vingtaine de Sem sont en activité.

1963

La barre des 300 Sem est franchie.

1979

La crise économique et le désengagement de l’Etat frappent durement les Sem, surtout en Ile-de-France mais les 650 Sem en activité restent des outils légitimes.

1983

Les lois de décentralisation (lois Deferre et la loi du 7 juillet 1983) donnent l’essentiel des pouvoirs de construction, d’urbanisme et d’action économique aux collectivités locales. Leur participation, désormais obligatoirement majoritaire, est portée au plafond de 80%.

1989

Le cap des 1 000 Sem est passé. Un pic sera atteint 5 ans plus tard avec 1 529 Sem.

1992

Création de la 1re association régionale des Sem en Haute-Normandie, qui sera suivie, en 10 ans, par 22 autres fédérations régionales.

1993

La Loi Sapin étend aux Sem de services le régime d’appel à la concurrence pour les délégations de service public.

2002

Une nouvelle loi sur les Sem reconnait aux élus présidents et administrateurs un statut pleinement sécurisé de mandataire de leurs collectivités locales.

2006

Création des Sociétés publiques locales d’aménagement (Spla), sociétés à capitaux exclusivement publics.

2010

Au vu du caractère positif de l’expérience des Spla, généralisation du statut à tous les domaines d’activité avec la création des Sociétés publiques locales (Spl).

2014

Création des Sociétés d’économie mixte à opération unique (SemOp) avec un capital mixte pour réaliser une seule mission.

2015

Les 3 premières SemOp voient le jour sur fond de réforme territoriale.

2019

La loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 vient sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales.

2022

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite « 3DS » consacre l’un de ses chapitres à la transparence et à l’agilité des Epl. Elle étend leur champ d’intervention, renforce leur contrôle par les collectivités territoriales actionnaires et sécurise en partie les élus exerçant des fonctions au sein des Epl et des filiales de Sem.

2023

Les seuils des 1 400 Entreprises publiques locales et des 500 Sociétés publiques locales (Spl) sont franchis et dépassés.

2024

Le cap des 50 Sociétés d’économie mixte à Opération unique (SemOp) est atteint, près de dix ans après l’entrée en vigueur de la loi permettant leur création.