Protection des élus et déports : des avancées concrètes à moitié dans le marbre
La Commission des Lois de l’Assemblée nationale a voté le mercredi 18 juin des dispositions protégeant les élus mandatés dans des organismes publics ou privés pour représenter l’intérêt général. Elle a également réduit la liste des déports et mis fin à l’obligation de sortir de la salle. Conformément à ses engagements, la FedEpl s’était ardemment mobilisée avec d’autres associations d’élus pour l’adoption de ce nouveau régime juridique.

Le chapitre IV de la proposition de loi créant un statut de l’élu local : un impératif politique pour assurer un cadre serein aux élus de l’économie mixte locale
Cinq mesures principales attendues par la FedEpl ont été adoptées par la commission des Lois de l’Assemblée nationale sous l’impulsion des rapporteurs Didier LE GAC et Stéphane DELAUTRETTE :
- La fin de la prise illégale et du conflit d’intérêts « public-public »
Si la loi 3DS avait posé comme principe une non application de l’article L. 432-12 du code pénal (prise illégale d’intérêts) lorsqu’un élu mandataire se prononce sur une affaire concernant l’Epl, il peut en l’état du droit faire l’objet de poursuites s’il vote par inadvertance une délibération qui devait faire l’objet d’un déport ou pour laquelle une ambiguïté existe. L’amendement des rapporteurs met fin à cette possibilité de poursuite, considérant logiquement que les Epl représentent un intérêt public. Par conséquent la Commission a également modifié les notions voisines de conflit d’intérêts et de conseiller intéressé pour que l’interférence entre deux intérêts publics ne soit pas sanctionnable par la nullité des délibérations.
« Etendons nous bien, il ne s’agit pas d’aller sur le terrain du conflit d’intérêts public-privé […], mais sur celui du conflit d’intérêts public-public […], il s’agit d’élus qui siègent dans deux organismes publics : deux collectivités ou parfois une collectivité et une Spl ou une Sem« , a souligné Didier LE GAC lors des travaux de la Commission.
Les députés ont souhaité limiter la nouvelle protection aux élus non rémunérés dans les organismes. Toutefois, cette limitation ne s’appliquent pas aux Epl (mais seulement aux filiales de Sem). Autrement dit, les élus rémunérés dans les Epl bénéficieront de cette nouvelle protection.
Statut de l’élu local : la FedEpl auditionnée par les rapporteurs de l’Assemblée nationale
2. La protection juridique des élus dans toutes les sociétés détenues par les Sem
La FedEpl s’était engagée à permettre une présence des élus dans les filiales de Sem. Si la loi 3DS a rendu obligatoire (avec dérogation possible) la présence des élus dans les assemblées générales des filiales et au conseil d’administration des filiales sociétés anonymes avec une protection juridique, elle laissait exposés les élus qui ont souhaité investir d’autres types de filiales ou simple prise de participation minoritaire. L’article 18 bis de la proposition de loi supprime les termes « en application de la loi » dans l’article L. 1111-6 du CGCT qui conditionnaient la protection aux élus dont la présence étaient obligatoirement requise par la loi, ce qui n’était pas le cas de toutes les filiales et prise de participations des Sem. En revanche et selon le souhait des députés, ces élus ne devront pas toucher de rémunération. A défaut ils perdraient la nouvelle protection ainsi accordée (plus de détail sur le régime en vigueur en pièce jointe).
3. La réduction des déports aux seules délibérations attribuant un contrat à l’organisme
Les députés ont souhaité réduire sensiblement la liste des délibérations pour lesquelles l’élu qui représente sa collectivité dans un organisme doit se déporter. Désormais seules les délibérations liées aux contrats de la commande publique font l’objet d’un déport. Par conséquent et contrairement au régime juridique actuel, il ne serait plus nécessaire de se déporter pour :
- Toute forme d’aides
- Les garanties d’emprunts
- La nomination dans l’organisme
4. La fin de l’obligation jurisprudentielle qui impose de sortir de la salle
Si la loi est muette à ce sujet, la jurisprudence considère que l’élu visé par le déport et qui ne sort pas de la salle est en position d’influencer la décision, et donc de commettre une prise illégale d’intérêts. Cet état jurisprudentiel conduit à des valses dans les assemblées délibérantes et perturbe gravement leur fonctionnement sans nécessairement être un gage déontologique certain. Le déport était par exemple hautement pénalisant lors des nominations dans les organismes.
L’article 18 bis indique ainsi pour tout les types de collectivités que « Un membre [de l’assemblée délibérante] ne peut être considéré comme ayant pris part à la délibération du seul fait de sa présence à la réunion de l’organe délibérant. ». Fin des vaudevilles donc ?
5. L’adaptation du quorum pour les départements et les régions
La loi 3DS n’ayant pas étendu le quorum adapté aux départements et régions, seuls les communes et EPCI (et syndicats mixtes) décomptent les élus qui se déportent pour éviter que le quorum soit impacté. Dans les départements et régions, le quorum peut être perdu du fait des déports. Pire, la majorité peut l’être également ce qui pose de vraies questions démocratiques.
Le chapitre IV de la proposition de loi tel qu’adopté par la Commission des Lois prévoit d’étendre ce quorum adapté aux départements et régions.
Votre fédération se mobilise pour une sécurisation univoque d’ici l’adoption définitive du texte
Les députés se prononceront sur ces dispositions en séance publique lors de la session extraordinaire entre le 7 et 11 juillet, avant le second passage au Sénat prévu en principe à la rentrée. La FedEpl reste mobilisée pour proposer des articulations légistiques afin d’éviter des interrogations sur l’application de ces dispositions en cas d’adoption. Elle proposera également de permettre aux élus de voter les délibérations sur les contrats pour les Spl, en droite ligne avec la responsabilité du contrôle analogue.