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Quel avenir pour les services publics en Europe ?

Publié le 23 novembre 2023

Le 14 novembre dernier, SGI France a organisé un déjeuner-débat dans les locaux de de Transdev, réunissant des représentants de la Commission européenne, du Parlement européen ainsi que des membres de SGI Europe, pour discuter du rôle des services publics dans le compétivité de l’Union européenne. Un débat de haute volée, qui avait pour but d’échanger sur l’avenir des services publics en Europe. La Fédération des élus des entreprises publiques locales, qui a coorganisé le déjeuner, revient sur cet échange exceptionnel.

Déjeuner-débat sur les services publics
@DCM

Les services publics au cœur du débat européen

Cette année, l’Union européenne célèbre le 30e anniversaire de son marché unique. Ce marché unique a contribué à faire de l’Union européenne, l’un des blocs commerciaux les plus puissants au monde. Célébrer les 30 ans du marché intérieur ne doit pas pour autant faire oublier les défis importants auxquels les services d’intérêt général et les services publics sont aujourd’hui confrontés. Ces derniers jouent en effet un rôle essentiel dans le développement des sociétés, favorisent la cohésion sociale et jouent un rôle d’accélérateur dans l’innovation. Trouver le juste équilibre entre concurrence du marché, compétitivité et préservation des services publics n’est pas une tâche aisée en la matière.

La pandémie de la Covid 19, ses conséquences économiques et sociales, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses répercussions sur nos systèmes ont bouleversé les fondations de l’Union Européenne et posé de nombreux défis, parmi lesquels, une demande en augmentation pour certains services publics et une diminution pour d’autres.  Pour autant, les investissements dans les services publics restent aujourd’hui inférieurs aux niveaux d’avant la crise financière et la pandémie Covid 19.

Face à ces défis mondiaux croissants, la Commission européenne cherche  à adopter une stratégie plus ambitieuse pour l’Europe via le renforcement de sa compétitivité ainsi que via la consolidation de son autonomie stratégique. Comment donner aux acteurs locaux, les moyens d’agir et faire entendre leur voix dans la mise en œuvre des politiques publiques ? Dans le nouveau paysage institutionnel qui se profile pour 2024, la création de biens publics européens pourrait-elle laisser présager une certaine reconnaissance des services publics en Europe ?

Vers une Europe des services publics ?

Après une allocution de bienvenue d’Alain Taccoen, membre de la direction des affaires européennes d’EDF, Guillaume Roty, chef d’unité adjoint en charge des Conditions d’investissement et services publics au sein de la Commission européenne est revenu sur le changement de paradigme européen, à commencer par le retour en force de l’autonomie stratégique mais également la récente Communication sur la compétitivité de l’UE sur le long terme de la Commission, laquelle préconise, entre autre, plus d’investissement public dans les infrastructures.

Sabine Martorell, cheffe de projets à l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE), a salué le retour positif du rôle de « l’action publique » et des « services publics » dans le débat politique. En effet, les crises récentes (sanitaires, énergétiques) mais aussi les crises plus anciennes (démocratiques, sociales, climatiques) ont démontré et démontrent au quotidien le rôle indispensable des services publics, en particulier des services publics locaux et régionaux. Cette prise de conscience est pour autant à relativiser : les financements des SIEG restant extrêmement difficiles et le cadre juridique de la commande publique encore trop contraignant. Beaucoup reste à faire pour offrir un cadre plus favorable aux investissements publics locaux.

Maitre de conférences en droit de l’UE et membre de l’Institut de recherche et d’étude en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES), Stéphane Rodrigues est revenu sur les apports du Traité de Lisbonne (2007), lequel vient ériger les SIEG au cœur des valeurs européennes (article 14 du TFUE, principe de subsidiarité, etc). Si une forme d’équilibre juridique a été trouvé avec ce traité, le temps est sans doute venu pour les législateurs européens de se saisir de l’article 14 du TFUE, lequel n’a jamais été activé, afin d’offrir des cadres communs de fonctionnement de services publics, à l’instar de ce qui a été réalisé pour l’Europe de la santé.

Députée européenne, Irene Tolleret a souligné l’étonnante réactivité européenne face aux crises majeures des dernières années : dette commune et lancement de la facilité pour la reprise et la résilience ; flexibilisation des fonds de la politique de cohésion pour permettre d’accélérer la production de masques, respirateurs et financer les entreprises avec des fonds de roulement ; création de SURE pour protéger les emplois et les revenus touchés par la pandémie. Membre de la Commission du développement régional, cette dernière oeuvre à repenser la stratégie européenne plus localement  : revitalisation des zones rurales avec les nouvelles opportunités offertes par la transition verte et digitale; efficacité des programmes européens pour le développement rural tels que le programme LEADER qui applique une logique ascendante et implique les acteurs publiques et privés du territoire dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie de développement territorial. Notons que Mme Tolleret a été Maire de Fontanès (34) de 2014 à 2019 et a monté la première candidature de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup au programme LEADER.

En conclusion de la table ronde, Antoine Grange, directeur général Europe de Transdev, a mis en exergue l’hétérogénéité des services d’intérêt général, se traduisant différemment d’un pays à l’autre (Transdev travaille dans dix pays d’Europe). Par exemple, en Suède, l’organisation des transports se singularise par une claire démarcation entre le régalien entre les mains de l’Etat pour les infrastructures et le privé sur les rails. Cette organisation a-t-elle pour autant prouvé son efficacité ? Autre facteur important de compétitivité des services publics, Antoine Grange a également mis en exergue le rôle important de Transdev dans la transition écologique en investissant dans le mix énergétique puisque 30 % des émissions de gaz à effet de serre proviennent des transports. Face aux objectifs ambitieux de décarbonisation de la flotte mondiale de bus, ce dernier a notamment appelé l’Europe à mettre en place des politiques cohérentes dans le temps mais aussi qui respectent l’industrie existante de chaque pays.

Cet événement a été une occasion cruciale pour la SGI France et ses membres de se positionner stratégiquement comme des acteurs clés dans les priorités liées à l’UE. Il a également mis en évidence le besoin urgent de reconnaitre davantage les services publics en Europe.

Aux côtés de SGI France, la Fédération des élus des entreprises publiques locales, se mobilise déjà pour réactiver l’Intergroupe Service Public et Services d’intérêt général (SIG) du Parlement européen pour la mandature 2024-2029.  

 

Par Camille BOULAT
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