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Le diagnostic de performance énergétique (DPE) face au défi de la fiabilité

Publié le 10 mai 2023

Depuis 2021, le diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments et les logement est passé du caractère informatif à opposable. Ce changement de nature impose une montée en capacité de sa fiabilité mais aussi de la filière des diagnostiqueurs et de leurs compétences en la matière.

Le DPE sert à estimer et maîtriser la consommation énergétique de son logement afin de réduire les émissions de gaz à effets de serre.

 

Les objectifs reconnus du diagnostic de performance énergétique sont :

  • Informer le futur propriétaire ou le futur locataire sur la consommation énergétique du logement, et sur son coût.
  • Sensibiliser locataires, vendeurs, acheteurs et propriétaires à l’impact énergétique du logement.
  • Conseiller les usagers sur les moyens de réduire leur consommation d’énergie.

Quand doit-on faire un diagnostic de performance énergétique ?

  • à l’occasion de la vente de chaque bâtiment ;
  • au moment de la construction d’un logement ;
  • lors de la signature d’un contrat de location.

Il doit être effectué par un professionnel indépendant agréé selon une méthode approuvée par le ministère du Logement (Arrêté du 15 septembre 2006). Le diagnostiqueur transmettra les résultats à l’ADEME.

Depuis juillet 2021, les logements qui sont particulièrement inefficaces (qui ont une étiquette F ou G) sont progressivement visés par des mesures de plus en plus restrictives, et seront a termes interdits à la location. Certaines aides gouvernementales pour les travaux de rénovation dépendent également du DPE.

La précision d’un DPE est donc critique et pour les propriétaires bailleurs et pour les particuliers souhaitant rénover leur logement. Ces audits sont également transmis à l’ADEME, qui les rend accessible à travers un portail Open Data : https://data.ademe.fr/.

Un nouveau DPE en 2021 

En 2021, le diagnostic de performance énergétique a subi d’importantes modifications. Il est désormais réputé plus fiable – puisque opposable juridiquement – plus écologique – avec un taux précis des émissions de gaz à effet de serre – et plus lisible – grâce à des explications claires et pédagogiques.

Ce nouveau DPE inclut notamment :

  • la description des caractéristiques et des équipements d’un logement ;
  • le taux de pertes thermiques ;
  • des conseils pour améliorer sa performance énergétique ;
  • les étiquettes énergie et climat (qui fusionnent).

L’étiquette Energie, sur une échelle de A à G, indique la classe énergétique d’un logement. L’étiquette A représente une consommation faible et le G une consommation élevée. L’étiquette Climat, aussi sur une échelle de A à G, indique le niveau d’émission de gaz à effet de serre du logement. L’étiquette A représente un taux d’émission faible et le G un taux élevé.

Le DPE renseigne sur la performance énergétique et climatique d’un logement ou d’un bâtiment (étiquettes A à G), en évaluant sa consommation d’énergie et son impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre.

La démarche DPE s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique définie au niveau européen afin de réduire la consommation d’énergie des bâtiments et de limiter les émissions de gaz à effet de serre et sert notamment à identifier les passoires énergétiques (étiquettes F et G du DPE, c’est-à-dire les logements qui consomment le plus d’énergie et/ou émettent le plus de gaz à effet de serre).

Il a pour objectif d’informer l’acquéreur ou le locataire sur la « valeur verte », de recommander des travaux à réaliser pour l’améliorer et d’estimer ses charges énergétiques.

La corrélation en DPE et consommation réelle

Au début du 21eme siècle, plusieurs pays dont la France ont lancé le déploiement en masse de compteurs communicants à domicile, dans le but d’enregistrer et d’optimiser la consommation énergétique des ménages, ainsi que pour faciliter la facturation. Fin 2021, environ 34 millions de compteurs Linky étaient installés en France.

Hello Watt, entreprise de conseil aux particuliers dans le domaine de l’énergie, propose notamment des services de suivi et d’analyse de la consommation. Les consommateurs du secteur résidentiel peuvent choisir de partager leurs données de consommation, ainsi que des métadonnées liées à leur logement, telles que le mode de chauffage, via un formulaire de consentement. L’analyse de ces données à grande échelle permet de mieux comprendre la consommation énergétique de chacun et la réduire.

L’étude a consisté à mettre en regard le DPE de la base ADEME avec les données de consommation recueilli par Hello Watt en effectuant une jointure sur l’adresse et la surface des logements. Ensuite, ont été comparé le DPE qui a été calculé par l’auditeur et la consommation réelle du logement, telle que mesurée par son compteur communicant.

L’étude a permis d’examiner les jeux de données ADEME et Hello Watt, ainsi que la méthode actuellement utilisée pour déterminer le DPE d’un logement. Un examen croisé des données et des méthodes pour relier les données a été réalisé.

Pour chaque logement identifié de façon fiable dans les jeux de données Hello Watt et ADEME, un calcul de la consommation d’énergie primaire a été réalisé à partir de la consommation réelle mesurée par les compteurs connectés, et déduit l’étiquette DPE correspondante.

Le résultat montre qu’il n’y a pas de corrélation évidente entre le DPE obtenu depuis la base de données ADEME et le DPE basé sur la consommation réelle.

L’étude prend en compte uniquement une partie des usages énergétiques du logement, donc en convertissant simplement la consommation en étiquette, on pourrait s’attendre à surestimer le DPE d’un facteur constant. L’hypothèse d’un biais systématique est exclue.

Parmi les 221 logements qui ont été identifiés, 29 % sont classés dans la même classe DPE avec les deux méthodes, 40 % sont classés dans des classes adjacentes, et 31 % dans des classes ni identiques ni adjacentes.

Les données DPE collectées par l’ADEME sont une représentation fiable de la performance énergétique des logements, mais les hypothèses faites sur le comportement des occupants sont irréalistes, et la variabilité d’un occupant à l’autre noie tout impact significatif du bâtiment lui-même sur la consommation.

Cette étude d’Hello Watt démontre que le DPE est un mauvais prédicteur de la consommation énergétique des logements, au point qu’une estimation purement aléatoire aurait des performances similaires.

Même si le DPE n’est pas conçu pour être un estimateur précis de la consommation, puis qu’il simule un comportement normalisé et ne prend en compte qu’une part de la consommation énergétique, le manque de corrélation entre DPE et consommation est inquiétant et pourrait indiquer un problème dans sa méthodologie, sa pertinence ou son implémentation.

Les diagnostiqueurs pas suffisamment formés

Selon Bati Web, qui rapporte les résultats d’une étude du conseiller énergie Hello Watt, 71 % des DPE (diagnostics de performance énergétique) sont erronés, soit environ 3 DPE sur 4. Si le DPE n’avait par le passé qu’un caractère informatif, sa réforme à l’été dernier le rend désormais opposable. En outre, depuis le 1er janvier 2023, les passoires thermiques ayant une étiquette énergétique G et dont la consommation excède 450 kWh/m²/an ne peuvent plus être proposées à la location.

Cela représente près de 90 000 logements. Autrement dit, les résultats de l’audit qui permet d’établir le DPE peuvent entraîner des conséquences importantes pour les propriétaires – bailleurs.

Une approximation qui pose un problème, puisqu’avec les nouvelles exigences de la Loi Climat, une différence – même d’une tranche – peut entraîner des conséquences importantes. Par exemple, entre un classement E et un classement F, c’est le statut de passoire thermique qui se joue, et avec lui une interdiction de mise en location et une importante décote de la valeur immobilière.

La méthode est différente des études réalisées par des associations de consommateurs (UFC que choisir notamment) – où différents diagnostiqueurs donnaient des DPE différents pour un même logement – mais le résultat est le même : les DPE ne sont actuellement que partiellement fiable et donc source de contestation et de risque contentieux.

En conséquence, il y a urgence à améliorer la fiabilité des DPE, ce qui passe par une meilleure formation et un meilleur encadrement de la filière, qui est encore jeune.

A cet effet, un groupe de travail au sein du Conseil National de l’Habitat (CNH) présidé par Lionel Causse, député des Landes, sera prochainement mis en place ; groupe de travail auquel votre fédération participera et pour ce faire souhaite consolider les suggestions venant de chaque Epl, adhérente qui le souhaite.

 

Par Philippe CLEMANDOT
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