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Fonds Vert, mode d’emploi

Publié le 1 février 2023

Le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a précisé les actions éligibles et les modalités d’attribution des 2 Md€ de crédits du Fonds Vert dans une circulaire adressée aux préfets et dans un « guide à l’intention des décideurs locaux ». Au total, quatorze mesures ont été identifiées, qui rentrent dans le champ des trois axes prioritaires tracés par le gouvernement, la performance environnementale, l’adaptation des territoires au changement climatique et l’amélioration du cadre de vie. Les préfets pourront adapter la répartition des crédits « aux besoins de chaque territoire », en respectant toutefois certains principes, notamment la réservation de 500 M€ de crédits aux collectivités qui percevaient la CVAE, dont la suppression est actée à l’horizon 2024.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Quels sont les objets finançables dans le cadre du Fonds vert de 2 Md€ institué par le PLF 2023 et quelles sont les modalités de sélection et de financement des projets ? C’est pour répondre à ces questions que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a adressé, le 14 décembre 2022, une circulaire aux préfets de région et de département, ainsi qu’aux hauts-commissaires des collectivités d’outre-mer sur le « déploiement du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ».

Un impact environnemental « réel et mesurable »

Ce fonds, qui répond à la logique de territorialisation de l’action publique défendue par Christophe Béchu, est en effet intégralement à la main des préfets, qui ont « toute latitude » pour s’organiser localement, à condition d’en faire un outil « accessible et simple d’usage ». Il doit permettre « d’accélérer la transition écologique », sans que la célérité le cède à « la qualité environnementale des projets ». Le ministre invite donc les représentants de l’État « à faire preuve d’une grande exigence s’agissant de la qualité des opérations d’investissement qui seront sélectionnées », et dont l’impact environnemental doit être « réel et mesurable ». Cette exigence, insiste-t-il, « est crucial(e) pour la prolongation du fonds vert ».

Cet appel à « l’efficacité, au pragmatisme et à la souplesse », va désormais se déployer dans un cadre précis, la circulaire élaborée par la DGALN (direction générale de l’aménagement, de logement et de la nature) détaillant à la fois les objets et les modalités de mise en œuvre du fonds. Au total, « quatorze types de mesures finançables » ont été identifiés, qui répondent aux trois priorités affichées par le gouvernement, à savoir « renforcer la performance environnementale », « adapter les territoires au changement climatique » et « améliorer le cadre de vie » (voir encadré). Un « Guide à l’intention à l’intention des décideurs locaux », disponible sur le site du ministère, apporte d’utiles précisions sur les actions éligibles et sur leur articulation avec les dispositifs existants.

14 mesures éligibles au Fonds vert

Dans la mesure où le Fonds vert de 2 Md€ est en grande partie « fongible » et en l’absence d’enveloppes financières dédiées à chacun des « objets » – à l’exception notable des actions en faveur de la biodiversité qui sont dotées d’une ligne de crédits de 150 M€ – nous avons choisi d’énumérer ces quatorze mesures dans l’ordre dans lequel elles sont présentées par le ministère, à la fois dans sa circulaire aux préfets et dans le « guide à l’intention des décideurs locaux », ordre qui semble témoigner d’un certain degré de priorité.

Le premier axe – renforcer la performance environnemental – vise à « subventionner des investissements favorisant la décarbonation et les économies d’énergie ». Il comprend :
  • La rénovation énergétique des bâtiments publics locaux – incluant les équipements sportifs dans la perspective des JOP 2024 – de manière à générer au moins 40 % d’économies d’énergie par rapport à 2010 tout en réduisant les émissions de GES.
  • La décarbonation de la production d’énergie suppose « la sortie du fioul et du gaz » et le développement des énergies propres et des réseaux urbains de chaleur et de froid renouvelables. Cette mesure, qui devrait flécher une partie importante des aides, est à la hauteur des enjeux. Les collectivités détiennent un patrimoine de 225 000 bâtiments et 280 millions de m², soit 27% du parc tertiaire national. Le gouvernement rappelle que 81 % des consommations énergétiques des communes proviennent des bâtiments communaux.
  • Le tri à la source et la valorisation des biodéchets. Les financements du Fonds vert viendront « en complément des moyens dédiés à l’Ademe dans le cadre du fonds économie circulaire », précise la circulaire. Ils permettront de limiter la mise en décharge et de développer la production de biogaz et de fertilisants.
    La modernisation de l’éclairage public, pour réduire « fortement » le niveau de consommation.
Le deuxième axe – l’adaptation des territoires au changement climatique – vise à « prévenir les risques naturels » au sens large. Il inclut :
  • La prévention des risques d’inondations, qui comporte deux volets. D’une part, le financement des actions prévues aux PAPI (Programmes d’actions de prévention des inondations), en complément du fonds Barnier. Il s’agit principalement « d’améliorer la connaissance du risque, la surveillance, la réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens, la gestion des écoulements et les ouvrages de protection hydrauliques ». D’autre part, l’appui financier aux collectivités gestionnaires de digues – on en compte plus de 8 000 km en France – dans le cadre de leur compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations). Ces financements, qui interviennent là aussi en complément du fonds Barnier et de la taxe Gemapi, visent à créer ou renforcer ces infrastructures, qui peuvent être complétées par « la création de zones d’expansion de crues susceptibles de réduire la pression sur les ouvrages hydrauliques concernés ».
  • L’amélioration de la connaissance des risques glaciaires et périglaciaires en montagne liés au recul et à la fonte des glaciers français (déstabilisation de terrains, avalanches et éboulements, formation de lacs glaciaires sujets à des vidanges brutales…) et la mise en œuvre d’actions de prévention et de protection.
  • La réduction de la vulnérabilité des constructions existantes face au risque cyclonique en outre-mer. Il s’agit notamment d’offrir aux populations « des bâtiments publics présentant une résistance renforcée », de faciliter la gestion de crise et de réduire le coût des dommages. Les crédits du Fonds permettront de subventionner des projets sous maîtrise d’ouvrage publique locale, de la réhabilitation lourde à la reconstruction, en passant par des modifications ciblées de rénovation et renforcement des bâtiments. Sont concernés les écoles et mairies, les collèges, lycées et SDIS et les logements sociaux.
  • Les mesures de prévention des incendies de forêt. Les actions éligibles comprennent notamment la protection et la défense des zones déjà urbanisées contre les incendies, la réduction de la vulnérabilité des constructions et équipements nécessaires à la gestion de crise et l’aménagement de la forêt aux abords des zones urbanisées.
  • Les démarches d’anticipation et de gestion du recul du trait de côte sur les 20 000 km du littoral français. Ce phénomène d’érosion est particulièrement critique pour 20% des communes littorales (126 communes exposées figurent pour l’heure sur la liste publiée au JO du 30 avril 2022), contraintes d’éprouver la résilience de leurs aménagements. Le Fonds vert permettra de cofinancer les cartographies d’exposition au recul du trait de côte, des actions de recomposition des territoires dans le cadre des PPA (Projets partenariaux d’aménagement) et des travaux d’adaptation ou de relocalisation de l’hôtellerie de plein air et des campings.
  • La renaturation des villes et villages, pour laquelle Élisabeth Borne avait annoncé la création d’un fonds de renaturation de 500 M€ en juin dernier. Les actions éligibles, ouvertes aux collectivités et à leurs groupements, mais aussi aux EPL, aux établissements publics de l’État et aux bailleurs sociaux, comprennent la création et la restauration de parcs et jardins, la restauration du réseau hydrographique, la renaturation des sols ou encore la végétalisation des façades et toitures.
Le troisième axe, consacré à l’amélioration du cadre de vie, « vise à concilier l’activité humaine avec la préservation de son environnement naturel ». Ceci passe par :
  • La sobriété en matière de mobilité pour accompagner le déploiement des ZFE-m dans les grandes métropoles et dans les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants, améliorer la qualité de l’air (information et contrôle) et faciliter une mobilité plus durable (parking-relais, car expresse, vélo-cargo…).
  • La préservation des ressources foncières et en particulier le recyclage des friches, dont le gisement est estimé à 150 000 ha. Le Fonds vert, qui pérennise le Fonds friches déployé dans le cadre de France Relance, complètera les financements existants pour la réalisation des études, des acquisitions foncières ainsi que des travaux de démolition, de dépollution ou d’aménagement des friches.
    Le développement du covoiturage (études de conception de schémas directeur et études pré-opérationnelles, travaux d’infrastructures, animation et incitations financières…).
  • La préservation et la restauration des ressources naturelles dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité, l’une des seules mesures à bénéficier d’une enveloppe dédiée, avec 150 M€ en 2023. Quatre volets sont prévus dans ce domaine, avec la mise en œuvre de la stratégie nationale pour les aires protégées, la protection des espèces, la réduction des pressions (dépollution, lutte contre les espèces exotiques envahissantes) et la restauration des milieux (continuités écologiques, mouillages écologiques pour la protection des fonds marins, restauration des sols forestiers).
  • Enfin, une dernière mesure, de soutien à l’ingénierie, de planification et de stratégie, qui ne préjuge pas des prestations d’études et d’ingénierie nécessaires à la mise en œuvre des 13 mesures précitées, est inscrite au Fonds vert. Dotée d’une enveloppe de 25 M€, elle vise à « faire émerger des projets à forte ambition environnementale ». L’ensemble des appuis en ingénierie et des soutiens financiers dont les collectivités peuvent bénéficier est accessible sur une plateforme dédiée.

Outre le recensement des actions éligibles, la circulaire formule un certain nombre d’instructions et de recommandations aux préfets quant aux modalités d’attribution des financements.

« Le fonds est entièrement déconcentré », rappelle ainsi le ministre, et les préfets peuvent « adapter sa répartition aux besoins de chaque territoire ». Ils ont notamment « toute latitude pour identifier les priorités qui [leur] semblent devoir être retenues dans [leur] région ou [leur] département ». Le fonds sera en outre cumulable avec les autres dotations de l’État et le taux d’aide sera à la main des préfets, dans une limite de 80% d’aides de l’État. Ces derniers devront toutefois s’assurer que l’utilisation des crédits « a un effet de levier important sur le territoire ».  Ils devront également veiller à ce que « le fonds bénéficie équitablement à tous les territoires (ruraux, urbains, péri-urbains, littoraux, de montagne) et à toutes les catégories de collectivités ». L’instruction des dossiers sera réalisée avec l’appui des services déconcentrés de l’État et des opérateurs, en particulier les agences de l’eau et l’Ademe.

500 M€ intégrés au Fonds Vert pour compenser la suppression de la CVAE

Si l’essentiel des mesures seront mises en œuvre à l’échelle départementale, certaines, notamment celles relatives aux friches, aux biodéchets et à la biodiversité, relèveront des préfets de région. Par ailleurs et même si le fonds est constitué « pour l’essentiel » d’enveloppes fongibles, « chacun des trois axes d’intervention devra représenter en exécution au moins 10% des crédits » délégués auprès des préfets. Autre exception à ce principe de fongibilité : la compensation de la suppression de la CVAE, pour laquelle le gouvernement a prévu une enveloppe de 500 M€ intégrée au Fonds vert et qui devra « nécessairement bénéficier aux collectivités (EPCI et conseils départementaux) qui percevaient la CVAE jusqu’alors.

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