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Gouvernance des Epl, le grand chambardement

Publié le 8 décembre 2022

Les deux dernières années ont été marquées par des élections, un référendum et dernièrement par la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS). Cette période, couplée aux conséquences des crises sanitaires et économiques, place les présidents, l’ensemble des administrateurs et les directeurs généraux face à de nombreux défis dans le pilotage de l’Epl, qu’il s’agisse des risques pour la gouvernance de l’Epl comme des choix liés au développement stratégique. Un atelier était consacré à ce sujet à Basse-Terre, le 29 novembre, en Guadeloupe, dans le cadre de la Conférence des Epl des Outre-mer.

Didier Aldebert

La gouvernance des Entreprises publiques locales par tous leurs dirigeants est en effet un enjeu majeur pour la pérennité des Epl. Elle réclame donc une grande vigilance de la part des  élus locaux nommés dans une Epl, qu’il s’agisse de leur statut, des missions comme des  responsabilités qui leur incombent. Quelles sont les obligations de l’élu mandataire vis-à-vis de sa collectivité et de son Epl ? Quel est le rôle du président d’Epl et quels sont les points clés de la gouvernance qu’il doit maîtriser ? Quelles impulsions à donner par le conseil d’administration concernant la déontologie et la compliance ? Quel bilan et actions à mettre  en place après quelques mois d’exercice du mandat de président et d’administrateur ? Quelles sont les lignes rouges à ne pas franchir ? Autant de questions auxquelles les participants à cet atelier ont répondu.

La loi 3DS, dans le prolongement du Livre blanc de la FedEpl

Didier Aldebert, président du Conseil des Fédérations régionales, PDG de la Sem Alenis, président de la Fédération régionale des Epl d’Occitanie, maire de Vinassan, conseiller départemental de l’Aude​, a rappelé que la loi 3DS était « le prolongement législatif du livret blanc 2019 de la FedEpl. Cette intervention était nécessaire pour répondre aux interrogations des pouvoirs publics sur nos outils. Elle est venue rajouter de manière significative le droit applicable aux Epl : gouvernance pour les élus, contrôle interne des Epl par leurs collectivités et par les actionnaires, contrôle externe par différents organismes dont les préfectures et les Chambres régionales des comptes ». Après avoir rappelé les conséquences de cette loi dans le quotidien des élus, largement documentées sur notre site, deux élus ont fait part de leurs remarques.

« Situations parfois ubuesques »

Karine Nabenesa, présidente de la Spl Afpar et de la Splar, vice-présidente du Conseil régional de La Réunion​, l’affirme : « Cela fait un an que je suis présidente d’Afpar, structure dédiée à la formation professionnelle transformée en Spl en 2014. Cette dernière a démontré une réelle efficacité dans la mise en œuvre de la politique publique. La pratique de la loi 3DS amène à des situations parfois ubuesques : le déport des élus avec impossibilité pour ces derniers de prendre part au commission permanente, d’assister au vote. Nous sommes en situation de non-quorum pour voter notre propre dossier donc il a fallu l’aide de l’opposition pour faire valider les dossiers. Une forme d’hypocrisie puisque nous portons ces dossier dans les CA de la Spl. Il faut mieux protéger encore l’élu car il va être de plus en plus exposé »

Surcroît de transparence

Pour Samuel Tavernier, vice-président de la Spl Soges, maire du François en Martinique, « les dispositions de la loi 3DS protègent l’élu et je m’en réjouis : nous prenons des décisions et œuvrons pour l’intérêt général. Les citoyens sont aussi à la recherche d’exemplarité des élus et donc le niveau de transparence doit être à la hauteur. En tant que maire du François, nous appliquions déjà les dispositions de 3DS sur les modalités de désignation de l’élu, le montant de sa rémunération ». Didier Aldebert trouve cependant « inadmissible qu’un élu soit poursuivi dans la justice car il a été dans la salle au moment du vote d’une délibération sur son Epl. Il reste encore des avancées à faire. A quel moment va-t-on nous faire confiance ? », s’insurge-t-il.

Le code pénal, lui, n’a pas changé

Dans la salle, David Zobda, président de la fédération régionale des élus des Epl Caraïbes, maire de Lamentin, conseiller exécutif de la collectivité territoriale de la Martinique, président de Développement économique et foncier d’investissement d’avenir DEFIA, regrette qu’une « frilosité s’installe et qu’une peur du gendarme se profile. L’application de ce texte fait l’objet de débats interminables ». Christophe Mansier, président de la Saphir (Société d’Aménagement des Périmètres Hydroagricoles de l’Ile de la Réunion), parle d’une « hypocrisie juridique ». Et d’expliciter : « Certes, la loi 3DS a apporté des améliorations et modifié le CGCTT mais elle n’a pas modifié le code pénal. Qui mieux que le président de la Saphir pour débattre des sujets de la problématique de l’eau ? Ces normes ne sont pas faites pour nous aider. Il faut que ce verrou pénal soit complètement supprimé. Les élus ne demandent pas des traitements de faveur mais veulent défendre leurs dossiers. Souvent, les Spl sont des structures qui fonctionnent quasiment comme des services de la collectivité et on nous demande une multitude de précautions souvent abusifs de la part du législateur. Le texte a évolué mais on reste extrêmement prudent quant à son application. Le problème est aussi celui de l’interprétation avec un risque permanent. Bref, le risque zéro n’existe pas ».

S’interroger sur les filiales

Marie Courrouyan, responsable juridique de la Scet, rappelle cependant que « la plupart des jurisprudences ont très peu concerné les Epl ces dernières années mais plutôt les associations. On a parlé de déport au sein des collectivités mais ce principe ne s’applique pas au conseil d’administration de l’Epl. enfin, le quorum se recalcule au sein du reste de l’assemblée délibérante. Autre précision, le statut des élus dans les filiales a été précisé, on reconnait une protection et les mêmes principes : un élu peut siéger dans filiale de Sem dans deux cas de figures ; dans toute société détenue à plus de 50 %, le représentant sera un élu à l’AG des actionnaires à partir du 1er janvier 2023 ; représentation des élus au CA d’une société anonyme détenue à plus de 50 %. En dehors de ces deux cas de figure, il n’y a pas de protection. Il faut réfléchir à l’organisation de la gouvernance dans les mois à venir pour ceux qui ont des filiales », conclut-elle.

Plusieurs formations Epl gouvernance sont programmées dans les prochaines semaines. N’hésitez pas à consulter notre agenda. Dès la semaine prochaine, le 14 décembre, une formation dédiée au contrôle CRC vous permettra d’en savoir plus sur les outils pour y faire face. Inscrivez-vous !

Par Camille BOULAT
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