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Aménagement, immobilier… les enjeux du recyclage foncier

Publié le 12 octobre 2022

Petite originalité du congrès de Tours, avec un duplex avec Nancy et les Assises nationales du foncier et des territoires, organisées par le LIFTI et Business Immo. Un débat croisé et animé sur la sobriété foncière en présence de Patrick Jarry, président de la FedEpl, et d’Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH.

La transition écologique exige de mobiliser au maximum le gisement foncier du renouvellement urbain, afin de limiter l’extension urbaine et la consommation de ressources. Ce qui n’est pas une mince affaire : qu’il s’agisse de densification, de friches ou de dents creuses, de nombreuses contraintes et incertitudes pèsent sur ces fonciers.

D’abord parce qu’ils ont souvent déjà fait l’objet d’usages intensifs ou anciens, apportant leurs lots de pollutions ou de dégradations… et donc de coûts de remise en état. Ensuite, parce que les conditions de leur maîtrise sont également plus complexes. Enfin, parce que l’intervention en tissu urbain constitué se traduit bien souvent par des conflits d’usages avec les riverains ou des conciliations à opérer, dans un contexte de diminution du foncier constructible et d’une multiplication des usages.

A Tours, Sophie Primas, sénatrice des Yvelines et présidente de la Commission des affaires économique au Sénat, Patrick Jarry, président de la FedEpl, Emmanuelle Cosse, présidente de l’USH et Gaylord Le Chéquer, adjoint au maire de Montreuil, se sont accordés sur le fait que le phénomène de rareté et les coûts élevés du foncier non bâti dans les zones urbaines ne sont pas suffisamment pris en compte par la loi Climat et résilience, constituant ainsi une contrainte forte depuis plus de vingt années pour les collectivités, les aménageurs et les bailleurs.

Le zéro artificialisation nette (ZAN) complexifie la donne en créant des contraintes supplémentaires.

En effet, les opérations d’aménagement en site urbain, la reconstruction de la ville sur la ville, sont des opérations complexes et nécessitent un temps long du fait de procédures réglementaires et de la nécessaire concertation avec les habitants. Obtenir un bon niveau d’acceptabilité du projet par ses administrés est indispensable pour les élus afin de limiter les recours ultérieurs.

Chacun s’accorde sur la nécessité d’une bonne régulation de l’accès au foncier non bâti, en particulier sur les zones métropolitaines en tension. Le fait de disposer de foncier à coût raisonnable permet de proposer du logement à prix abordable et évite de déporter le logement social en zone périurbaine en accroissant l’étalement urbain que veut proscrire le ZAN. L’intervention sur les fonciers déjà bâtis en zone urbaine implique d’avoir des capacités d’intervention juridique, réglementaire et financière supérieures à la situation actuelle.

L’exemple de la transformation des friches industrielles polluées…

… et celui de la reconversion d’immobilier de bureaux ou d’activités sans usage conduisent à s’interroger sur le mode d’évaluation du foncier qui reste à définir afin de limiter la spéculation, en particulier dans le cadre des opérations d’intérêt général. L’acceptation d’une dévalorisation foncière en fonction de l’usage à venir relève d’une évolution culturelle à acquérir auprès des propriétaires.

Sur la nécessité de la sobriété foncière, un consensus existe chez les élus locaux.  Cependant, rien ne pourra se faire sans accompagnement technique, administratif et financier. La différenciation entre les territoires est obligatoire sous peine d’arriver à une situation de blocage dans les territoires ruraux ou à de la densification excessive en zone urbaine. La comptabilisation du bilan entre les surfaces « artificialisables » ou à renaturer doit se faire à un niveau territorial acceptable par tous. Une vision instantanée du bilan est réductrice puisqu’elle ne tient pas compte des efforts que certaines collectivités ont déjà entrepris antérieurement à la loi.

La sobriété foncière doit être vue comme un élément, certes important, mais dans une vision globale d’une économie décarbonnée dans laquelle les usages sont liés aux besoins de la population : habitation, activité, commerce, transport ne peuvent plus être appréciés de façon distincte mais dans une approche globale.

A contrario, le souci vertueux de prise en compte de toutes les contraintes (réduire l’empreinte des centres commerciaux, supprimer l’étalement des parkings, ramener l’activité dans les centres villes, faire cohabiter les différents usages de la ville) ne doit pas constituer des principes incapacitants mais plutôt inciter à des compromis en concertation avec les usagers de la ville.

La transition écologique ne peut se développer seule sans tenir compte des autres transitions que vit notre société : la transition numérique et surtout la transition démographique. Le besoin en expertise et ingénierie urbaine se fait sentir de façon très importante et doit être pris en compte dans ce cadre.

Les moyens à mettre en œuvre existent que ce soit dans le cadre du renouvellement urbain (NPNRU), Action Cœur de Ville, Petite Ville de Demain, l’intervention des Etablissement Publics Foncier (EPF) mais il implique des efforts supplémentaires lourds pour les collectivités locales en première ligne en tant que porteur des projets. La lutte contre le niveau trop élevé du coût de foncier dans les opérations d’aménagement d’intérêt public nécessite des capacités financières supplémentaires à trouver et des procédures réglementaires à simplifier.

Il faut s’interroger sur une mise à plat complète de la fiscalité locale face au désengagement de l’Etat sur ces questions mais pas seulement. Les questions de la valeur foncière, de leur évaluation et de leur taxation doivent être abordées, y compris dans toute l’acceptation de ses conséquences économiques.

Il en va de même de l’approche du modèle économique et de l’équilibre des opérations tant en aménagement qu’en immobilier ou chaque élément constitutif : valeur foncière, coûts du bâti en neuf comme en requalification, maintien dans le temps et durabilité, possibilité de recyclage dans le temps devront être valorisés non seulement économiquement mais aussi dans un bilan carbone global.

Les solutions contractuelles entre les collectivités et l’Etat sur le financement des projets apparaissent comme plus pertinentes que les solutions plus unilatérales.

Les aménageurs et les bailleurs sont les opérateurs adaptés pour mettre en œuvre les politiques des collectivités en leur proposant des solutions aux différentes injonctions contradictoires en cause. Seule une approche globale des enjeux au sein des territoires de projet est en mesure de permettre cette conciliation équilibrée des objectifs.

A noter donc le duplex organisé avec Nancy. Ainsi que l’entretien vidéo réalisé avec Jean-Baptiste Blanc, Sénateur du Vaucluse, rapporteur spécial de la Commission des finances.
Les participants à Nancy: Fadia Karam, Directrice générale d’Espaces Ferroviaires, filiale de SNCF; Marie Llorente, consultante-chercheure en aménagement urbain et développement territorial, Université Paris X Nanterre; Frédéric Martin, Maire de La Noë-Blanche et conseiller départemental d’Ille-et-Vilaine, Chantal Dicandia, adjointe à la mairie de Toul.

Le podcast de la séance

Par Philippe CLEMANDOT
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