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Plan Climat : à mi-parcours, la Banque des Territoires et Bpifrance ajustent leurs priorités

Publié le 15 septembre 2022

Lancé en septembre 2020, le Plan Climat porté par les deux filiales de la CDC n’a atteint qu’une partie de ses objectifs. Avec 17 Md€ déployés au 30 juin 2022, soit 43% de l’enveloppe de 40 Md€ prévue sur la période 2020-2024, il a permis d’accélérer la transition écologique et énergétique des entreprises et des territoires et de financer massivement l’innovation dans les Greentechs et les réseaux durables et résilients.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

Mais les ambitions de développement des énergies renouvelables ont été douchées par des problèmes structurels et par l’incertitude réglementaire que la révision des tarifs réglementés a suscitée au printemps 2021. Le deuxième volet de ce plan, qui court jusqu’en 2024, a donc fait l’objet d’ajustements importants, redistribuant les priorités et donnant la part belle aux politiques d’adaptation au changement climatique.

Les cartes sont rebattues. En présentant le bilan à mi-parcours du Plan Climat, la Banque des Territoires et la BPI France ont pris acte des ajustements significatifs apportés à l’affectation des 40 milliards d’euros destinés à accompagner les territoires et les entreprises dans leur transition écologique et énergétique.

Si l’inventaire à à mi-mandat semble à peu près dans les clous, avec 17 Md€ déployés au 30 juin 2022 (8,7 Md€ pour Bpifrance et 8,3 Md€ pour la BDT), soit 43 % des objectifs, la ventilation des crédits entre les trois grands piliers du plan – accélérer la transition des entreprises et des territoires, doubler les financements des EnR et financer massivement l’innovation – a été repensée en profondeur, pour mieux coller au principe de réalité.

L’écart est plus marquant pour la Bpifrance, qui propose ses services aux entreprises, que pour la Banque des Territoires, dont les collectivités sont les premières clientes et dont les perspectives d’évolution et d’investissement à court et moyen terme semblent moins sujettes à la conjoncture.

Les EnR sont en panne, les Greentechs ont le vent en poupe

« Il y a une part d’imprévisible », a reconnu Nicolas Dufourcq, Directeur général de Bpifrance, expliquant pourquoi le déploiement du Plan Climat « ne s’était pas fait comme on devait le faire ». Ainsi, le financement des EnR, qui devait absorber 13,6 Md€ entre 2020 et 2024, sera finalement très loin du compte, avec 3,8 Md€ de crédits alloués par Bpifrance au 30 juin 2022 et un objectif final ramené à 8,6 Md€ (ce qui suppose toutefois une accélération notable des financements, pour répondre aux enjeux de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie). « Il y a énormément de projets dans les tiroirs » a regretté Nicolas Dufourcq, espérant que le projet de loi sur l’accélération des énergies renouvelables puisse être adopté et mis en oeuvre le plus rapidement possible.

Selon ce dernier, la faiblesse des financements EnR tirés du plan Climat doit en effet être imputée pour une large part à la révision rétroactive des tarifs subventionnés décidée par Bercy au printemps 2021, mais aussi à des problèmes plus structurels comme la difficile maîtrise des emprises foncières et les délais de recours sur les projets d’implantation des parcs éoliens et photovoltaïques. Aujourd’hui, les entreprises EnR dans lesquelles Bpifrance a investi directement représentent tout de même 9,6 GW bruts en exploitation et 2,7 GW bruts en construction.

Mais « rien ne se perd, tout se transforme » aurait dit Lavoisier et cette maigre performance du volet EnR a profité par ricochet aux deux autres piliers.

Ainsi, les fonds de Bpifrance destinés à accélérer la transition des entreprises ont été consommés à 71%, à 2,7 Md€ sur les 3,8 Md€ du plan initial, et l’objectif final a donc été revu à la hausse, pour atteindre 7 Md€. Enfin, le financement de l’innovation a pulvérisé ses objectifs prévisionnels, avec 88% de crédits déjà consommés (2,2 Md€ sur 2,5 Md€), nécessitant un revalorisation à 4,2 Md€ sur la durée totale du plan. Nicolas Dufourcq s’est notamment félicité des investissements massifs réalisés dans les Greentechs pour faire émerger les solutions technologiques qui permettront d’accompagner cette double transition. Au total, Bpifrance a investi 340 M€ de capitaux dans les Greentechs et leur a accordé 1,4 Md€ d’aides à l’innovation et de prêts sans garanties.

4,4 Md€ de prêts consacrés à la rénovation de 210 000 logements sociaux

Du côté de la Banque des Territoires, la mise en oeuvre du plan Climat a aussi déjoué les prévisions. La transition des territoires a représenté le plus gros poste, avec 6,9 Md€ de prêts distribués, soit 43% de l’objectif final de 16,2 Md€. C’est moins bien que le financement des EnR, consommé à 78% avec 700 M€ de financements accordés au déploiement des infrastructures (en particulier les champs photovoltaïques et l’éolien offshore), et mieux que le financement de l’innovation, avec 700 M€ également, qui ne représentent toutefois que 23% des crédits alloués à ce poste.

Olivier Sichel, Directeur de la Banque des Territoires, a détaillé les faits marquants de ces deux premières années de mise en oeuvre du plan Climat. La rénovation des logements sociaux, qui a « permis des sauts d’étiquettes considérables », a absorbé près de 4,4 Md€ de prêts, soit 210 000 logements. Dans ce domaine, les collectivités et les bailleurs sociaux font d’ailleurs preuve d’une grande inventivité a tenu à souligner Olivier Sichel, évoquant la fabrication hors site de panneaux isolants sur mesure ou les commandes groupées de pompes à chaleur qui permettent de négocier des tarifs attractifs.

Une dynamique s’est aussi enclenchée sur la réhabilitation des bâtiments publics, grâce à « un porte-à-porte massif » auprès des collectivités et sous l’impact de la crise énergétique mondiale. Les collectivités, confrontées à des factures multipliées par deux ou trois, ne peuvent plus repousser ces investissements. Au total, la BDT a consacré 500 M€ à ces actions, qui ont permis de rénover plus d’un million de m2 et d’économiser 155 GWh/an. « Ceux qui sont partis tôt sont les grands gagnants » constate aujourd’hui Olivier Sichel.

Accélérer le développement des mobilités vertes

Autre priorité, la mobilité verte, avec une intervention forte de la BDT sur les infrastructures et les matériels roulants. Ainsi, 145 M€ de fonds propres ont été engagés et 31 M€ de prêts ont été accordés pour l’installation de près de 100 000 bornes de recharge électrique et de 51 points d’avitaillement en hydrogène ; 333 M€ de fonds propres et 12 M€ de prêts ont été déployés pour financer l’acquisition de flottes de véhicules propres (près de 200 000 places « vertes » créées dans les transports routier, fluvial et ferroviaire) ; enfin, 135 M€ de fonds propres et 1,2 Md€ de prêts ont permis d’adapter les voiries aux nouvelles mobilités et de construire ou rénover les infrastructures régionales et locales.

Par ailleurs, deux sociétés ont été créées fin 2021/début 2022 pour répondre aux nouveaux usages : Logivolt Territoires, qui dispose d’un budget de 150 M€ pour pré-financer l’installation de 125 000 bornes dans les copropriétés ; et Movivolt, lancée en partenariat avec La Poste, pour constituer un parc de 10 000 véhicules utilitaires légers électriques en leasing, à destination des artisans et collectivités amenés à circuler dans des ZFE ou tout simplement désireux de réduire leurs émissions carbone.

Enfin, pour accompagner les efforts de décarbonation de l’économie, la BDT a investi 191 M€ dans des actifs nécessaires à la transition écologique et énergétique des industriels, qu’il s’agisse d’infrastructures de production d’hydrogène vert, de projets de valorisation énergétique des déchets ou de la rénovation des parcs immobiliers des industriels.

L’adaptation au changement climatique, nouvelle priorité

La BDT a par ailleurs puisé dans ses fonds propres (700 M€) et accordé 29 M€ de prêts pour accélérer le développement des EnR (2 358 MW de puissance installée, couvrant les besoins de 900 000 foyers), en nouant des partenariats avec des développeurs et en renforçant ainsi la structuration du secteur, ou en intervenant avec les collectivités locales au sein de SEM Energie. La BDT est notamment très présente en Méditerranée et en Bretagne dans les projets d’éolien offshore, avec l’ambition de devenir un partenaire de référence sur ces solutions qui prendront de plus en plus de place dans le mix énergétique français.

Enfin, des sommes équivalentes (623 M€ de prêts et 124 M€ de fonds propres) ont été allouées au financement de réseaux durables et résilients, notamment les réseaux d’eau et d’assainissement (plus de 3,7 millions d’usagers concernés), les réseaux de chaleur et les installations de traitement des déchets.

Les deux dernières années du plan Climat seront l’occasion pour la BDT d’amplifier ces dynamiques – en particulier sur la rénovation thermique des logements et des bâtiments publics et le financement des réseaux durables et résilients – mais aussi d’intégrer des enjeux forts qui se sont récemment imposés au calendrier. Ainsi, elle fournira un appui aux collectivités locales dans la mise en oeuvre de leur trajectoire vers le zéro artificialisation nette et dans l’adaptation des territoires au changement climatique, en particulier les communes du littoral, confrontées au recul du trait de côte, et celles impactées par le réchauffement, comme les communes de montagne et les métropoles. Ce soutien prendra la forme de prêts mais aussi de prestations d’ingénierie ou de portage foncier. En deux ans à peine, l’angle d’attaque de la BDT sur ces questions s’est nettement infléchi : « il ne s’agit plus de lutter contre le changement climatique mais de s’y adapter », a conclu Olivier Sichel.

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Par Cadre de Ville
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