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La ville de demain vue par Christine Laconde, DG de RIVP

Publié le 13 mai 2022

Christine Laconde, DG de la RIVP : « Nous construisons la ville d’aujourd’hui, pas celle de demain »: Aux manettes de la régie depuis le début de 2021, cette Igas qui dirigeait jusque-là le Samusocial de Paris mène plusieurs chantiers de front : elle veut produire un millier de logements par an, tout en s’attaquant à l’image dont sont encore entachés les quartiers de logement social, même à Paris, et qui conduit à fausser les mécanismes de la mixité au point qu’ils ne fonctionnent plus.

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Article proposé par Cadre de Ville, dans le cadre d’un partenariat éditorial avec la FedEpl.

La RIVP avec elle se veut donc co-acteur de la construction, et de la gestion, de quartiers au peuplement et aux fonctions véritablement mixtes. Son Plan 2032 se prépare autour de trois Ateliers conduits par ses équipes des trois directions territoriales : le vieillissement, la jeunesse et le vivre ensemble…

Nommée depuis un peu plus d’un an directrice générale, sous la présidence de David Belliard, adjoint à la maire de Paris chargé de l’espace public, des mobilités et des transports, elle construit en quelque sorte sa feuille de route, et travaille avec ses équipes à un projet stratégique à échéance 2032, soit « une dizaine d’années, car à 3 ou 5 ans ce serait déraisonnable dans un domaine de temps long ».

La directrice est arrivée dans un contexte de mutation de la RIVP qu’elle reconnaît bien entamée, qui a vu la régie  « migrer de son statut de logeur intermédiaire à Paris vers un statut de bailleur social complet ». De fait, glisse-t-elle, il faut sans doute voir du sens à avoir choisi pour la direction un profil non pas de « routier du logement social, mais de routier du social », comme elle-même le revendique. Et son parcours est parlant (voir le paragraphe « Une routière du social »).

L’évolution en cours n’est pas si simple. Elle impacte la gestion de proximité, donc le métier des gardiens, qui représentent la moitié des effectifs, à raison d’un gardien pour un peu plus de 80 logements, car les besoins d’accompagnement ne sont pas les mêmes. Au niveau de la production, cela implique que l’offre de logement soit la plus accessible possible. Sur le patrimoine, l’exigence de maîtrise des charges des locataires est plus forte.

« Il faut prolonger cette mue déjà entamée, consolider ce qui a été construit. Notamment l’image d’une maîtrise d’ouvrage forte, astucieuse, avec un ADN d’innovation technique, notamment pour concevoir des projets complexes, en s’associant des maîtres d’œuvre talentueux et eux-mêmes astucieux. »

Quand le bailleur s’adapte à l’évolution des populations

Le socle de la mission de la RIVP reste la production de logements. « Oui il faut encore produire en nombre », s’exclame Christine Laconde. La RIVP s’organise notamment pour tenir une production de logements sociaux qu’elle souhaite stabiliser autour du millier chaque année. « En zone tendue, complète-t-elle, la question ne se pose pas, il faut produire du logement. »
« Nous sommes presque aux 1 000 logements agréés par an« , commente Christine Laconde. La régie annonce 800 logements agréés en 2021, et 1 000 livraisons effectives – en nombre de créations nettes. « C’est cher, ajoute-t-elle, entre la rareté du foncier, son prix et l’augmentation du prix des matériaux. » Certes, les nouveaux logements sont répartis entre 70% en réhabilitation, et 30% de neuf… Comment faire autrement à Paris ?

C’est d’ailleurs pourquoi le bailleur social explore des pistes nouvelles, et notamment, la transformation de bureaux en logements. Dans l’îlot Saint-Germain rue Saint-Dominique, rue Lafayette, à la Mouzaïa. A Jussieu, c’est la barre Cassan, rue Cuvier, face au Jardin des Plantes, qui deviendra une résidence étudiante de 565 logements… Autre projet emblématique dans le paysage parisien estudiantin, la transformation de l’ancien siège de l’EHESS, l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales boulevard Raspail, en 40 logements et des commerces, dans un montage malin avec la Foncière de Transformation d’Action Logement – un montage « appelé à se renouveler, car c’est bien de pouvoir s’appuyer sur ce genre d’acteurs ». La RIVP recherche l’architecte de l’opération (voir l’annonce par Cadre de Ville de consultation de maîtres d’œuvre).

Bien sûr, reconnaît Christine Laconde, les transformations de locaux existants, pour vertueuses qu’elles soient, ont un coût. « Les cessions de commercialité qu’elles permettent contribuent à équilibrer les opérations. » Des cessions de commercialité effectuées dans le cadre défini par la Ville, pas à tout le monde et pas partout. Mais « cela reste un outil précieux. »

Parmi les inflexions récentes de la régie, le bail réel solidaire prend sa place. « Nous avons besoin d’étendre l’offre. Il en faut pour répondre à un besoin, et je trouve ça assez malin », confie Christine Laconde. La RIVP développera 2 700 m² de BRS avec portage du foncier par l’OFS de Paris, dans la grande opération de logements lancée par Paris à Chapelle Charbon, où elle a aussi en charge du locatif social et de l’intermédiaire. (voir les 7 consultations lancées au mois de mars). Il y en aura à Python Duvernois aussi, en nombre, et à Porte de Vanves.

« C’est une offre complémentaire et pas concurrentielle du logement locatif social », juge la directrice générale. De fait, comme de nombreux bailleurs, elle a le souci « d’identifier les solutions de sortie du logement locatif social. Si on veut qu’il profite au plus grand nombre, il faudra trouver comment fluidifier les parcours résidentiels. Et donc, faciliter les sorties du logement social par le haut. Et quoi de mieux que l’accession sociale à la propriété ? » La RIVP retrouve aussi cette problématique quand elle s’interroge sur les solutions à apporter aux personnes vieillissantes – un axe de réflexion porté par sa direction territoriale Sud, et dont le résultat devrait être bientôt communiqué (voir encadré ci-dessus « Quand le bailleur s’adapte à l’évolution des populations »).

La mixité sociale ne se décrète pas

Le BRS vient également renforcer l’objectif de « contribuer à la mixité sociale » – un objectif que porte Christine Laconde « aux côtés des maires ». « Malheureusement, relève-t-elle, la mixité ne peut pas se décréter. Fixer des ratios de PLAI, de Plus et de PLS, répartis ‘30%-40%-30%’, au travers des conventionnements ne suffit pas. » « On se dit qu’on a fait sa mixité sociale à l’échelle de son groupe. Mais cela ne se décrète pas au moment de attributions. Les quartiers sont tributaires de leur image, qui joue défavorablement dans certains cas, pour les ménages qui ont des alternatives. Nous avons étudié le peuplement de notre groupe de logement social à Chapelle International, conçu pour favoriser la mixité, avec sa programmation 30%-40%-30%, quand on regarde les plafonds de ressources des personnes qui ont accepté d’aller y vivre, on compte quelque 70% en-dessous des plafonds PLAI… »

Si on zoome, confie la directrice générale, affectée par ce phénomène, « on constate qu’on a des taux de refus d’autant plus élevé que les ressources sont importantes ». « Je viens du secteur social, ajoute-t-elle et j’estime que les équilibres sont importants. Mais ils ne se travaillent pas à travers ce seul conventionnement. »

Le BRS levier de mobilité dans le parc social

Dans ce paysage, Christine Laconde suppose que le BRS, qui attire nécessairement de personnes aux ressources plus élevées, peut être un outil qui permett de loger plus facilement les catégories intermédiaires. « On s’adresse à des gens qui vont se situer à plus long terme, parce qu’il s’investissent, et parient sur des évolutions de quartier. » Pour elle, à terme, Chapelle International, si on se projette, sera un quartier diversifié, avec une université, les transports, des services…

Christine Laconde veut « changer l’image » des quartiers de logement social – ici Le projet des nouveaux immeubles sur les îlots 8 et 9 du quartier Python Duvernois – un projet lauréat de l’agence de Vinent Parreira AAVP, mandataire, avec MAO Mobile Architectural Office. L’équipe complète comprend Champ Libre paysagiste, EVP Ingénierie bet structure, Alto Ingénierie bet fluides, Cycle de Ville Economie environnementale et circulaire, BMF Economiste construction, Altia bet acoustique, GTA bet VRD, Studio Billy Bim manager

Python-Duvernois : deux agences d’architectes pour lancer le nouveau quartier

« Tout ceci doit nous conduire à parler de quartiers autrement, pour sortir d’une image souvent caricaturée, et à avoir une commercialisation qui ne soit pas seulement la commercialisation d’un logement, ou d’un local, mais de donner à imaginer le futur quartier. Dans le descriptif d’une offre, aujourd’hui c’est absent. »

Les SOHO apportent de la diversité d’occupation. « A Chapelle International, nous l’avons fait pour les SOHO, et pour l’immeuble de logement intermédiaire en cours de livraison – tout est réservé par Action Logement. Pour les équipes d’ALS qui vont proposer les logements, nous sommes passés à des visites virtuelles à 360° – viser la mixité nous force à adapter nos façons de faire. On s’adresse à des ménages, qui vont s’installer peut-être avec des enfants, donc il faut parler du quartier, et en parler autrement. Il faut sortir des caricatures : une station de métro à problèmes égale un logement à problèmes, avec des écoles à problèmes… Il faut sortir de ces mécanismes de prophéties auto-réalisatrices. »

« Cela doit renforcer notre détermination à ce que les quartiers vivent bien de façon équilibrée », dit-elle. La RIVP, sous sa direction, a déjà ouvert ce chantier. Dans l’optique d’un projet à l’horizon 2032, la direction « Centre » du bailleur débute une réflexion sur le « vivre ensemble »… « Nous sommes co-acteurs de la construction des quartiers », revendique-t-elle. Cela se joue au travers de pieds d’immeubles, avec le GIE commerce que nous avons constitué avec Paris Habitat et Elogie Siemp, pour harmoniser les implantations de boutiques, et apporter de nouveaux usages. »

La RIVP devient ainsi constructrice de quartiers diversifiés, et élargit son rôle social pour accompagner les évolutions et la diversité des situations des habitants. Et ce, sans attendre. « Nous participons à la construction de la ville », revendique Christine Laconde, qui ajoute : « pas celle de demain, c’est celle d’aujourd’hui. »

Une « routière du social » 

Elle se dit « routière du social », interrogée par Cadre de Ville ce 25 avril. Christine Laconde, agronome et énarque, entame sa carrière au sein de la direction des affaires économiques de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. Elle poursuit sa carrière à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) puis rejoint le Centre d’action sociale de la ville de Paris (CASVP) comme cheffe de service des ressources humaines entre 2006 et 2009, avant d’en devenir sous-directrice des interventions sociales.

De juillet 2012 à décembre 2013, Christine Laconde est directrice adjointe puis directrice du cabinet de Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Elle prend ensuite la direction générale du Samusocial de Paris jusqu’au début de l’année 2021, où elle est nommée directrice générale de la RIVP pour une prise de fonctions le 1er avril.

Christine Laconde est ingénieure agronome, diplômée en 1992. Elle est également diplômée de l’Ena (Ecole nationale d’administration) en 2001 (promotion Nelson Mandela).

Propos recueillis par Rémi Cambau

Cet article « Christine Laconde, DG de la RIVP : « Nous construisons la ville d’aujourd’hui, pas celle de demain » »  est issu d’un partenariat éditorial avec cadredeville.com, la plateforme des projets urbains qui fournit un service complet d’informations et de data pour ceux qui font la ville de demain.

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