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La mise en œuvre effective du ZAN se précise…

Publié le 23 mai 2022

Guillaume Chaineau, avocat associé du cabinet Adaltys partenaire de la FedEpl, prend la plume pour nous livrer son analyse des deux premiers décrets d’application des dispositions de la loi Climat et résilience relatives à l’objectif Zéro artificialisation nette.

Les périodes électorales sont rarement propices à la publication de textes majeurs. C’est pourtant quelques jours à peine après l’élection du président de la République qu’a été publié par le gouvernement sortant un texte essentiel à l’application de la Loi Climat et résilience.

En effet, le décret n° 2022-763 du 29 avril 2022 vient fixer la nomenclature permettant de définir si un sol doit être regardé comme artificialisé ou non pour l’atteinte de l’objectif Zéro artificialisation nette en 2050.

Présentation rapide de ce texte essentiel à la mise en œuvre de cette réforme… alors que le Sénat a lancé dès le 19 mai dernier une consultation en ligne auprès des élus locaux pour identifier et résoudre les difficultés d’application concrètes de l’objectif ZAN.

Rappel des concepts posés par la Loi Climat et résilience

L’article L. 101-2-1 de la Loi Climat et résilience du 22 août 2021 précise que l’artificialisation nette des sols est « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ».

Ce même article définit l’artificialisation comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage », et la désartificialisation comme consistant « en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé ».

Ces définitions posées, encore faut-il savoir comment apprécier si telle ou telle surface doit être regardée comme artificialisée ou non artificialisée. C’est en effet en fonction de ce travail d’identification qu’un état des lieux à l’échelle d’un territoire donné pourra être arrêté puis que les objectifs de réduction, et à terme d’absence d’artificialisation nette, pourront être fixés et suivis.

Le classement d’une surface est fonction de son occupation effective

Le décret précise que le classement des surfaces doit être effectué selon « l’occupation effective du sol observée ». Le classement de ces surfaces dans les documents de planification et d’urbanisme est donc indifférent, ce qui est logique pour assurer l’effet utile de la réforme.

Les catégories de surfaces artificialisées sont définies en fonction de critères tenant à la couverture du sol et son usage. Il s’agit :

  • des sols imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement (rubriques 1 et 2) ;
  • des surfaces imperméabilisées, même en partie, dont les sols sont stabilisés et compactés, ou recouverts de matériaux minéraux ou dont les sols sont constitués de matériaux composites (mélange de matériaux non minéraux) (rubriques 3 et 4) ;
  • des surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée (ce qui exclut donc les sols boisés), même si elles sont en chantier ou à l’état d’abandon (rubrique 5).

Les surfaces non artificialisées sont quant à elles :

  • les surfaces naturelles nues ou couvertes en permanence d’eau, de neige ou de glace (rubrique 6) :
  • les surfaces à usage de culture, végétalisées ou en eau (rubrique 7) ;
  • les surfaces naturelles ou végétalisées qui constituent un habitat naturel qui n’entrent pas dans les rubriques 5, 6 et 7 (rubrique 8).

Cette nomenclature a été simplifiée par rapport à la version mise à la consultation, qui faisait référence en outre à des critères de surface, lesquels étaient différents selon que la surface considérée était située ou non en zone construire.

Pour le reste, les interrogations devraient surtout concerner les rubriques 5 et 8 en ce qu’il s’agit de celles qui vont poser question pour les surfaces « naturelles » en milieu urbain (parcs, jardins, espaces de loisirs, etc.). A cet égard, on se souvient que le décret mis à la consultation classait comme surfaces non artificialisées les surfaces végétalisées attenantes à des surfaces artificialisées. Ceci a disparu dans la version de la nomenclature publiée, mais de telles surfaces doivent constituer un « habitat naturel » pour être classées comme non artificialisées.

 Le classement dépend aussi de la taille de la surface concernée

Un dernier élément reste encore à préciser : celui de la surface à retenir pour classer telle ou telle surface. Sur ce point, le décret renvoie à un arrêté ministériel qui définira l’échelle à laquelle il conviendra d’apprécier l’occupation effective des surfaces.

Le décret prévoit en l’état qu’il s’agira de polygones (et non des parcelles cadastrales ou unités foncières p. ex.) dont la surface sera définie selon les standards du Conseil national de l’information géographique.

Ce critère est essentiel puisqu’il permettra, par exemple, d’identifier ou non des espaces non artificialisés au sein des enveloppes urbaines mais aussi d’encourager plus ou moins fortement les efforts de désartificialisation de certains espaces.

L’entrée en vigueur du décret

Le décret est entré en vigueur immédiatement.

Toutefois, l’article 194 de la Loi Climat et résilience prévoit que pour la première période d’application de la loi (2021-2031), le rythme d’artificialisation est traduit par un objectif de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. En d’autres termes, cette nomenclature ne s’applique pas à la première tranche de dix années, mais doit toutefois être utilisée dès à présent pour la définition des objectifs à atteindre à partir de 2031 dans les SRADDET, les SAR, le PADDUC et le SDRIF.

Un second décret du même jour concerne par ailleurs les SRADDET

Le 29 avril 2022, est également paru le décret n° 2022-762 également pris pour l’application de la Loi Climat et Résilience : il concerne les règles applicables aux SRADDET pour la lutte contre l’artificialisation des sols.

On en retiendra notamment que les SRADDET peuvent comporter une liste des projets d’aménagements, d’infrastructures et d’équipements publics ou d’activités économiques d’envergure nationale mais aussi régionale, pour lesquels la consommation ou l’artificialisation des sols induite ne sera prise en compte que dans le plafond déterminé au niveau régional, sans être déclinée entre les différentes parties du territoire régional. Ceci devrait permettre de ne pas « pénaliser » directement les territoires concernés par de tels projets.

Les porteurs de projets et territoires concernés sont invités à se faire connaître… »

Cet article a été rédigé par Me Guillaume Chaineau, avocat associé du cabinet Adaltys partenaire de la FedEpl.

Par Olivier TOUBIANA
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