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Que faut-il retenir de la commission Rebsamen ?

Publié le 6 janvier 2022

La baisse de la construction de logements neufs en zone tendue, dans un contexte de réforme de la fiscalité locale et de réticence des habitants au développement de nouveaux programmes, a conduit le gouvernement à réunir cette commission comprenant des élus locaux, des parlementaires et des personnalités qualifiées. Patrick Jarry, maire de Nanterre et Président de la FedEpl en était membre.

François Rebsamen (Photo Wikimedia Commons).

La mission confiée à la commission consistait à formuler des propositions permettant une relance rapide de la construction en zone tendue.

Une première série de treize propositions, susceptibles d’être intégrée dans le projet de loi de finances, a été présentée au Premier Ministre le 22 septembre 2021. Une seconde a été présentée fin octobre et porte pour l’essentiel, sur la simplification des procédures, le déploiement des offices fonciers solidaires et l’approfondissement du dispositif du contrat local pour le logement.

Diagnostic et mesures phares 

La formulation d’un diagnostic partagé

Au sein de cette commission, le Président de la FedEpl a fait entendre la voix des Epl immobilières et d’aménagement, principalement en ce qui concerne le diagnostic de la situation. Un réflexe malthusien et une défiance à l’égard de la construction inspirée par des considérations environnementales et une lassitude vis-à-vis du mode de vie urbain exacerbée par les confinements successifs sont largement répandus et doivent être combattus. Les moyens financiers des collectivités sont par ailleurs insuffisants pour répondre à la demande d’équipements qu’implique la construction de logements nouveaux. La suppression de la taxe d’habitation a accentué le désintérêt des collectivités pour la construction de logements neufs. Les propositions devaient permettre aux collectivités de disposer de moyens financiers supplémentaires pour financer les équipements publics nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants et acquérir des emprises foncières toujours plus rares et chères.

La commission a largement accédé à ce constat et ses premières propositions sont en cohérence avec ces enjeux.

Des propositions en phase avec les enjeux d’ordre politique, foncier et financier mais des ressources à amplifier

La FedEpl se félicite que la première proposition de la Commission porte sur le développement d’un discours politique offensif en faveur de l’acte de construire, de la compatibilité entre densité urbaine et respect de l’environnement et de l’accueil des populations qui n’ont pas accès aux logements existants. Il aurait, cependant, été souhaitable qu’elle soit assortie d’initiatives concrètes et de moyens associés pour lui donner toute sa portée.

En matière foncière, la commission a également intégré la nécessité portée par la FedEpl de favoriser les opérations d’aménagement productrices de foncier public et repris à son compte les propositions de la FedEpl sur ce point :

–   Pérenniser le fonds friche destiné à combler les déficits d’opération. Ce dernier point a été confirmé par le Président de la République le 7 septembre 2021 à l’occasion des rencontres nationales du programme Action Cœur de Ville ;

–    Mettre en place une politique concertée entre l’Etat et les collectivités de mobilisation du foncier public et de maîtrise des prix du foncier.

La Commission a également formulé diverses propositions en faveur d’une plus grande mobilisation du foncier public qui devraient permettre d’engager des opérations et des assouplissements des usages temporaires des terrains.

Quant aux mesures formulées en faveur des finances locales, elles permettront d’attribuer un léger surcroît de ressources aux collectivités situées dans les zones tendues. Toutefois, elles présentent certaines limites non négligeables. Ainsi par exemple, le Contrat local pour le logement, qui est la proposition innovante de la Commission, ne bénéficie d’aucune ressource supplémentaire par rapport à celles existantes, car le surcroît de ressources provient de la restriction des zones éligibles, au détriment des zones détendues. Le bénéfice de l’aide sera, en outre, conditionné à un accord avec le préfet alors qu’il était jusqu’alors automatique. Une communication aux préfets en date du 28 octobre 2021 a précisé les modalités de déploiement des contrats de relance du logement et la campagne de négociation de ces contrats a été engagée. L’objectif est qu’elle soit achevée le 31 mars 2022.

La compensation de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties bénéficiant aux logements sociaux, qui est la mesure forte de la Commission, n’est pour sa part assortie d’aucune garantie de pérennité. Elle compense surtout les effets négatifs induits par la suppression de la taxe d’habitation. Cette mesure a été introduite dans la loi de finances pour 2022 par un amendement du Gouvernement adopté par les députés.

Une autre mesure a fait l’objet d’un amendement au budget 2022. Il s’agit du remplacement de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont profitent pendant vingt ans les logements locatifs intermédiaires détenus par des investisseurs institutionnels par un crédit d’impôt.

La commission appelle enfin à une réforme fiscale structurelle permettant de lutter contre la rétention foncière à laquelle la FedEpl portera une attention particulière afin qu’elle encourage une réelle libération de foncier constructible à prix maîtrisé.

Approfondissement du contrat local et autres mesures nationales 

Le tome 2 des propositions formulées par la Commission est paru le 16 octobre 2021. Il comprend, comme son titre l’indique, 24 propositions approfondissant notamment le contrat local pour le logement proposé dans le tome 1 et d’autres mesures nationales. Ces dernières portent sur :

  • La recherche d’une plus grande transparence et une plus juste répartition de l’effort de construction entre les collectivités ;
  • La création d’une commission locale de médiation présidée par les préfets de département pour traiter les refus d’autorisation d’urbanisme opposés par les maires aux porteurs de projet ;
  • L’accélération des procédures contentieuses relatives aux autorisations d’urbanisme ;
  • Un surcroît de mobilisation du foncier et du bâti existant ;
  • L’engagement d’une nouvelle étape dans la numérisation des autorisations d’urbanisme.

Ces mesures ne présentent pas de menace particulière pour les Epl immobilières et d’aménagement. Si elles ne concernent pas toujours les opérations d’aménagement qu’elles ont en charge, elles peuvent être de nature à faciliter les conditions de mise en œuvre de leurs projets de construction et ceux de leurs partenaires.

Quelques points retiennent particulièrement l’attention :

  • Il est très positif que les contrats de relance du logement associent les différents acteurs de la filière (proposition n° 1). Les Epl immobilières et d’aménagement doivent impérativement être associées aux contrats de relance du logement (ce qui n’est pas explicitement prévu par le rapport), ainsi qu’à la concertation nationale ayant pour vocation à définir un cadre à la négociation des engagements de qualité de chacun des contrats (proposition n° 7). Les Epl d’aménagement ont l’habitude de définir aux promoteurs des exigences de qualité tout en veillant aux équilibres économiques et juridiques des projets et leur expérience en la matière sera enrichissante pour la démarche.
  • Sur le modèle de l’expérimentation lancée en Bretagne, le recours au dispositif de défiscalisation Pinel devrait être rendu possible au-delà des seules zones tendues A bis, A et B1 en fonction des spécificités locales. Le contrat de relance du logement pourrait être le cadre adapté pour permettre le recours territorialisé à ce dispositif et sortir ainsi de l’opposition binaire entre zones tendues et détendues.
  • Si la proposition de Jean-Luc Moudenc soutenue par Patrick Jarry tendant à obliger les collectivités à publier annuellement les chiffres de logement autorisés n’a pas été retenue, plusieurs propositions en matière de transparence et d’une plus juste répartition de l’effort de construction ont été formulées, dont la communication annuelle par le préfet à l’EPCI et à ses communes membres d’un état des lieux des besoins de logement, notamment sociaux.
  • Les propositions faites pour accélérer le traitement des procédures contentieuses concernant les autorisations d’urbanisme et limiter leur impact sur les projets sont à saluer (propositions n°11 à 16). Mais il est regrettable que la formulation de mesures similaires relatives à d’autres autorisations incontournables dans la mise en œuvre des projets urbains (en premier lieu les déclarations d’utilité publique et les arrêtés de cessibilité) soient reportées à une réflexion ultérieure. La FedEpl avait formulé diverses propositions en ce sens dans sa contribution. La maîtrise du calendrier des opérations d’aménagement, qui sont de l’avis unanime des professionnels la meilleure façon de produire en grande quantité du foncier constructible, est un facteur important de leur engagement par les collectivités.

Conclusion

Au lancement de la commission, des propositions du tome 1 avaient vocation à être intégrées dans le projet de loi de finances pour 2022 et certaines du tome 2 dans le projet de loi 3DS, examiné à l’Assemblée nationale au mois de décembre.

Si la compensation par l’Etat aux collectivités de l’exonération de taxe foncière pour les logements sociaux a été intégrée dans le projet de loi de finances pour 2022, le projet de loi 3DS n’a finalement pas été le véhicule législatif utilisé pour la transcription de ces propositions dans le droit en vigueur, comme cela avait été à un moment envisagé.

Les propositions auront donc vocation à inspirer un texte du prochain quinquennat dédié au logement. Elles ne sauraient toutefois constituer une politique globale du logement tant l’objectif de la commission présidée par François Rebsamen avait un objet bien circonscrit à une relance ponctuelle de la construction de logements neufs en zone tendue. Pour une approche plus globale, il semble plus utile de se référer à la note de la Cour des comptes de novembre 2021 intitulée « Restaurer la cohérence de la politique du logement en l’adaptant aux nouveaux défis ».

Annexes

  • Composition de la Commission
  • Rapport de la Commission
  • Communication aux préfets en date du 28 octobre 2021 sur le Contrat de relance de la construction de logements
  • Contribution de la FedEpl à la Commission

À télécharger

Par Olivier TOUBIANA
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