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La SemOp, 5 ans après : innovation, gouvernance, souplesse, diversité

Publié le 7 novembre 2019

Mardi 5 novembre, se tenait sous la présidence de Benoît Mercuzot, président d’Amiens Energie, une matinée consacrée à la SemOp, en présence d’une cinquantaine d’élus et dirigeants de collectivités réunis au siège de la FedEpl. Retour sur ces échanges riches d’enseignements.

Elus et dirigeants de collectivités, au siège de la FedEpl, à l’occasion de la matinée dédiée à la SemOp.

La SemOp, créatrice d’opportunités pour les collectivités

En ouverture, Benoît Mercuzot, adjoint au maire d’Amiens et président de la SemOp Amiens Energie, a dressé un panorama des SemOp que l’on pourrait résumer en un mot : variété.

Variété des métiers ayant recours à la SemOp (eau et assainissement, énergies, aménagement, et depuis 2019 transports urbains, maintien à domicile des personnes fragiles…), de la taille des collectivités concernées (de 3.000 à plus de 450.000 habitants), de la répartition du capital (collectivités majoritaire, minoritaire), SemOp créée à la suite d’un transfert de compétences, regroupement de structures jusqu’alors exploitées en DSP et/ou régie, gouvernance restreinte pour une efficacité maximale ou au contraire élargie pour assurer la représentation de tous les acteurs publics, enfin dans sa durée. La SemOp a donc de multiples facettes au service des projets des élus et de leur territoire.

Les échanges structurés autours d’exemples concrets et de partage d’expérience ont mis en évidence les caractéristiques des SemOp qui connaissent actuellement un fort développement. Traits communs soulignés par tous les intervenants : un travail amont, de « sourcing » par la collectivité est primordial, de même qu’une co-construction avec l’actionnaire privé pour assurer le succès de la SemOp.

La SemOp se révèle être un outil de structuration, de transition, pour les collectivités. Mais aussi une solution idéale à des situations très diverses.

Orchestrer plusieurs réseaux à l’aide de la SemOp

Didier Peralta, vice-président de Caux Seine Agglo, à l’initiative de la SemOp Caux Seine Mobilités, a participé à la création de la première SemOp de gestion et exploitation d’un réseau de transport urbain. Lors de la constitution de l’agglomération, il fallait trouver un outil permettant de mettre en musique 3 réseaux de transports urbains dans 3 communes (1 régie, 2 DSP), avec la difficulté de ne pouvoir exploiter jusqu’en 2022 que le transport urbain, les contrats de transports scolaire arrivant à échéance à cette date. Pour Didier Peralta, la SemOp a ainsi permis « d’intégrer la réflexion sur l’avenir, avec l’actionnaire privé, et de réintégrer la vision politique dans un outil dédié ». La phase préparatoire incluait un projet de contrat, afin que les éventuels partenaires privés sachent quels étaient les objectifs des élus. Autre particularité dans cette SemOp, un de ses représentants a été délégué auprès du responsable transport de l’agglomération. Installés dans le même bureau, ils travaillent de concert et « créent ainsi une communauté de destin » pour le vice-président de Caux Seine Agglo.

Intégrer les objectifs politiques à l’outil SemOp

Autre illustration de la complémentarité de la SemOp entre son objet et la mise en œuvre de la politique des élus : la SemOp Park Grenoble Alpes Métropole. Dans cette agglomération de 480.000 habitants, on recense 21 parkings, soit 8.000 places de stationnement à gérer (hors stationnement sur voirie). Pour David Djigaouri, chef de projet au sein de Grenoble Alpes Métropole, « la SemOp offrait toutes les garanties d’une bonne mise en œuvre des choix politique de l’agglomération, alliée aux compétences métier du partenaire privé ». La dimension service à la mobilité (location de vélo, parking vélo, trottinette, conciergerie, bornes électriques…) faisait partie intégrante de la consultation.

Si l’agglomération grenobloise est majoritaire avec 50% des parts plus une voix, le directeur général est issu de l’opérateur, à 100% dédié à la SemOp. Les dividendes éventuels, possibles en SemOp comme dans toute autre société anonyme, ne seront reversés qu’à la dissolution de la société, au bout de 5 ans.

Pour le chef de projet qui a suivi le sujet depuis le début, « la constitution de la SemOp est le fruit d’une co-construction avec l’actionnaire privé, l’opérateur est un réel partenaire ». L’entreprise retenue proposait en amont l’ensemble de ses sous-traitants dans le contrat, permettant ainsi à l’actionnaire public d’échanger et de négocier ces sous-contrats, gage de maîtrise. Dans ce même esprit d’échanges, un comité d’usagers se réunit 3 fois par an, dans une démarche proactive par exemple sur les questions de tarification.

Résoudre une problématique d’aménagement

L’aménagement est l’un des métiers où l’on retrouve le plus de SemOp aujourd’hui. A Pézenas, le projet de Quartier Saint-Christola trouvé avec la SemOp un nouveau souffle. Philippe Nicolle, directeur général des services de la ville, le souligne : « dans une opération aux contraintes hydrauliques, écologiques et réglementaires fortes, le travail de « sourcing » préalable a été primordial, pour trouver un opérateur d’accord avec l’approche des élus : une opération mixte, mêlant logement social et privé et en capacité de porter financièrement le projet, notamment le foncier ». Au final si la concession dure 10 ans, la SemOp a été créée pour 14 ans, afin de laisser le temps de finaliser les opérations et de les clôturer. Adaptabilité et souplesse, encore une fois.

Le DGS de Pézenas ajoute en outre que « le travail avec la FedEpl dans la réflexion et les différents retours d’expérience des SemOp d’aménagement existantes nous a permis de prendre les bonnes décisions ». Dans une société à 60% privée, le choix s’est porté sur une gouvernance restreinte avec 3 administrateurs pour le partenaire privé et 2 pour la ville de Pézenas, « pour être dans l’opérationnel, la réactivité ».

Les Sem d’aménagement peuvent également être opérateur de SemOp d’aménagement comme le fait par exemple le Groupe SERL à Roanne avec la SemOp dédiée au quartier Foch Sully.

 

La SemOp, une gouvernance au service du contrat

La SemOp permet d’intégrer la collectivité territoriale à la gouvernance d’une société de projet. A travers trois exemples, retour sur les incontournables du fonctionnement de la SemOp.

La SemOp, accompagnateur des nouvelles compétences des collectivités locales

Pionnière dans le domaine de la gestion de l’eau et de l’assainissement, Dolea Eau et Assainissement s’inscrit dans l’accompagnement des évolutions des compétences dévolues aux collectivités locales. Dans ce cadre, la SemOp permet non seulement d’accompagner la politique des élus, mais aussi de prendre en compte les attentes des usagers, toujours plus importantes.

Jean-Pierre Cuinet, président de Dolea Eau et Assainissement, souligne qu’avec la SemOp « s’effectue un travail a priori avec l’opérateur et non a posteriori comme avec un contrat classique, ce qui permet d’intégrer plus facilement les questions publiques et politiques aux actions de l’entreprise; ainsi les choix de travaux sont organisés en fonction des impératifs publics comme par exemple privilégier les périodes de vacances pour les travaux aux abords des écoles ».

Le ressenti des usagers ? « La société, Dolea, leur adresse les factures. Il y a une réelle appropriation de la population de la SemOp eau », ajoute l’élu de Dole.

Autres caractéristiques de la structure : le Conseil d’administration pourrait évoluer pour intégrer une place pour l’opposition, faisant écho à l’une des préconisations du Livre blanc sur l’économie mixte locale publié par la FedEpl et présenté lors du Congrès national à Strasbourg en octobre (https://www.lesepl.fr/2019/10/le-livre-blanc-sur-leconomie-mixte-locale-publie/). Par ailleurs un comité d’élus a été mis en place, permettant aux collectivités qui ont transféré leur compétence de suivre les choix de l’entreprise. « Si son vote est consultatif, il apporte beaucoup aux débats et à la bonne conduite des opérations » conclut Jean-Pierre Cuinet.

La SemOp, outil de portage politique

A Chartres, la SemOp créée dans les domaines de l’eau et de l’assainissement a été l’alternative choisie à la régie et à la délégation préexistante. Comme le souligne Alain Bellamy, président de CM Eau et Assainissement, « la SemOp a réuni élus urbains et ruraux : elle apporte la solution, assure la technicité de l’exploitation et le suivi par les élus ». Dans une métropole de 142.000 habitants, réunissant 66 communes contre 46 en 2016, le capital est à 40% public et 60% privé. Un comité d’investissement donne son avis pour toute dépense excédant 25.000 €.

Si la forme juridique a suscité l’approbation des élus, il reste que son fonctionnement doit être bien défini. Pour l’élu de Chartres Métropole, « la rédaction du cahier des charges est un outil capital pour la suite de la constitution de la SemOp ». Il permet la mise en place de gardes-fous pour bien conduire et accompagner le projet des élus.

La SemOp, solution adaptée aux projets de long terme

La SemOp s’inscrit aussi dans les projets à long terme, comme dans la construction et l’exploitation des réseaux de chaleur.

A Amiens, le choix d’une SemOp d’une durée de 25 ans a été retenu. Une société au capital de 8 millions d’euros – répartis comme suit : 51% pour le partenaire privé, 34% pour la ville d’Amiens et 15% pour la Caisse des Dépôts – a été créée pour porter 75 millions d’euros d’investissement. Et avec un objectif de 100% d’énergies renouvelables via 5 sources d’énergies différentes (énergies renouvelables et de récupération).

Selon Benoit Mercuzot, président d’Amiens Energie, le choix de la SemOp permet « d’associer les élus aux choix dans ce domaine, de mettre en œuvre le projet long terme d’un réseau de chaleur 100% énergies renouvelables, de réinvestir une partie des bénéfices dans l’aide au bâti des personnes qui ne peuvent se connecter au réseau de chaleur ».

Un comité de pilotage des conventions passées avec l’opérateur privé, « Cofely assure la continuité de service et les réparations, sur un domaine d’une grande technicité, où les travaux, nécessitant la pause de tuyaux à 2 mètres de profondeur, impacte tous les autres réseaux souterrains » précise l’élu d’Amiens.

De la même façon, un comité de pilotage du contrat entre la ville autorité délégante et la SemOp délégataire a été mis en place. Benoît Mercuzot préfère « idéalement que les élus qui contrôlent la SemOp soient différents de ceux siégeant à son Conseil d’administration : pas toujours facile à réaliser, car le président, s’il représente la collectivité, doit aussi être capable de lui exprimer le point de vue de la société ».

 

Répondant à de nombreuses situations, tant politiques que techniques, la SemOp exprime ainsi pleinement ses atouts après seulement 5 ans d’existence.

Outil à disposition des élus et des territoires, la SemOp est une « Sem contrat ». Dès lors, les collectivités souhaitant créer une telle société ne doivent pas perdre de vue qu’il leur faut d’abord réfléchir au contrat, puis à la SemOp, et non l’inverse.

Par Olivier LAMOUREUX
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