menu

« Sociétés publiques locales : revenons à l’esprit du législateur ! »

Publié le 22 février 2019

L’arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2018, qui ne permet plus à des collectivités locales de niveaux différents d’être actionnaires d’une même Société publique locale (Spl), a mobilisé jusqu’aux pères fondateurs de ce modèle d’Epl. Dans une tribune parue le 21 février dans la Gazette des communes et le Bulletin quotidien, les 5 parlementaires à l’origine de la loi sur la création des Spl, adoptée en 2010 à l’unanimité des deux Chambres, viennent en rappeler les principes initiaux, récemment sujets à de très diverses interprétations.

De g. à dr. : André Chassaigne, Jean-Léonce Dupont, Daniel Raoul, Jean-Pierre Schosteck et Jean-Pierre Balligand. Photos DR
De g. à dr. : André Chassaigne, Jean-Léonce Dupont, Daniel Raoul, Jean-Pierre Schosteck et Jean-Pierre Balligand. Photo DR

Le 28 mai 2010 était publiée au Journal officiel la loi pour le développement des Sociétés publiques locales adoptée à l’unanimité des deux Chambres.

Il nous était apparu quelques mois auparavant opportun de susciter conjointement, avec le soutien de 161 de nos collègues députés et sénateurs de tous les groupes, cette proposition de loi. Notre objectif était clair : permettre aux élus et aux territoires de disposer d’un mode d’intervention sous la forme d’entreprises détenues à 100 % par les collectivités locales, d’usage courant et apprécié dans la plupart des autres pays d’Europe.

Nous avons veillé dans la rédaction de ce texte à ce qu’il colle au plus près des exigences du droit communautaire, ce qui permit que les différentes plaintes déposées auprès des instances européennes, à peine le texte publié, soient rapidement classées sans suite.

Nous avons tenu à ce que toutes les règles déjà en vigueur pour les sociétés d’économie mixte en matière de contrôle et de sécurité juridique s’appliquent pleinement aux Spl.

Ces différentes précautions ont conduit le Gouvernement à soutenir cette proposition de loi malgré les réticences alors exprimées par quelques interlocuteurs, et dont ils sont malheureusement coutumiers, dès qu’il s’agit de permettre aux élus locaux d’innover et de donner corps au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Le succès des Spl a rapidement été au rendez-vous, avec 359 sociétés créées depuis 2010, et 62 projets identifiés.

La plupart des Spl en activité sont soit des créations ex nihilo permettant aux collectivités locales d’intervenir dans de nouveaux champs comme la petite enfance, les énergies renouvelables ou le numérique, soit des transformations d’entités déjà existantes sous d’autres formes pour permettre aux élus d’en conserver la maîtrise tout en y introduisant un management innovant.

Dans les deux cas, il est d’usage que les Spl rassemblent des collectivités locales de différents niveaux. Elles entendent ainsi se donner le maximum de chances lorsqu’elles investissent les nouveaux domaines précités, ou quand elles décident de rassembler désormais en une seule entité des missions complémentaires jusqu’alors exercées par plusieurs organismes, en particulier dans le tourisme, la mobilité ou la revitalisation des cœurs de ville.

Cet arrêt assimile les Spl à des établissements publics de coopération intercommunale, alors même que leur succès tient pour une large part à ce qu’elles permettent d’introduire la gestion d’entreprise au sein de la sphère publique locale.

Autant de raisons nous permettant d’affirmer que les Spl sont devenues en moins de 10 ans un instrument privilégié de modernisation de l’action publique locale.

C’est le moment qu’a choisi le Conseil d’Etat pour rendre le 14 novembre 2018 un arrêt qui ne permet plus à des collectivités locales de niveaux différents d’être actionnaires de la même Spl, au prétexte qu’une collectivité locale ne pourrait participer au capital d’une Spl que si l’intégralité de l’activité de la Spl relève des compétences de ladite collectivité !

Cette interprétation du droit n’est pas conforme aux intentions qui étaient les nôtres, à nous législateurs à l’origine de la loi fondatrice des Spl. Elle n’a d’équivalent dans aucun autre pays d’Europe où le recours à de telles entreprises est d’usage plus fréquent et ancien.

Cet arrêt assimile les Spl à des établissements publics de coopération intercommunale, alors même que leur succès tient pour une large part à ce qu’elles permettent d’introduire la gestion d’entreprise au sein de la sphère publique locale.

Cette position, si elle prospérait, conduirait, à contrecourant complet de la nécessaire rationalisation et mutualisation de l’action publique locale, les collectivités locales à éclater leurs Spl existantes ou envisagées en plusieurs entités atomisées.

« Nous appelons donc nos collègues parlementaires et le Gouvernement à prendre rapidement l’initiative législative »

Il convient donc dans les meilleurs délais de conforter la montée en puissance des Spl, en sécurisant la possibilité pour des collectivités locales de différents niveaux d’en être actionnaires.

Comme l’ont déjà fait la plupart des associations d’élus, nous appelons donc nos collègues parlementaires et le Gouvernement à prendre rapidement l’initiative législative qui permettra de réaffirmer l’esprit de la loi dont nous avons pris l’initiative en 2010 et de consolider un mode d’intervention particulièrement conforme aux exigences du moment.

Daniel Raoul, auteur de la loi sur les Spl, premier signataire de la proposition de loi Spl des sénateurs socialistes

Jean-Léonce Dupont, premier signataire de la proposition de loi Spl des sénateurs centristes et républicains

Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la loi sur les Spl, premier signataire de la proposition de loi Spl des députés Les Républicains

Jean Pierre Balligand, premier signataire de la proposition de loi Spl des députés socialistes

André Chassaigne, premier signataire de la proposition de loi Spl des députés communistes

 

 

Par Thierry DURNERIN
Top